La loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile en huit points
1) Réforme du regroupement familial
a) Une évaluation du degré de connaissance de la langue française et des « valeurs de la République » est désormais imposée avant l’entrée en France des bénéficiaires du regroupement familial âgés de plus de seize ans et de moins de 65 ans (C. étrangers, art. L. 411-8 ; art. 1er de la loi). L’article 7 de la directive n° 2003/86 du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial autorise, sans l’exiger, un tel test d'intégration. Si l’évaluation en établit le besoin, une formation de deux mois au plus est organisée dans le pays d’origine. Sans imposer une obligation de résultat aux intéressés, la loi du 20 novembre 2007 subordonne toutefois la délivrance du visa à une attestation de suivi de la formation. Un décret devra fixer le délai dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées, le contenu de l'évaluation et de la formation, le nombre d'heures de la formation et les motifs de dispense. Environ 40 000 personnes devraient être concernées. S’ils représentent près du quart du public visé, les Algériens ne seront pas tenus de suivre cette formation car l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne la mentionne pas.
b) Selon la même logique, lors de leur séjour, les bénéficiaires du regroupement familial devront conclure un « contrat d'accueil et d'intégration pour la famille » par lequel ils s'obligent à suivre une formation sur les droits et les devoirs des parents et à respecter l'obligation scolaire (C. étrangers, art. nouveau L. 311-9-1 ; art. 6 de la loi). Le président du conseil général sera informé de la conclusion de ce contrat. En cas de non-respect du contrat, il pourra mettre en œuvre le contrat de responsabilité parentale qui permet de suspendre le versement des prestations afférentes à l'enfant, de saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ou d'alerter le juge des enfants (C. act. soc. et des familles, art. L. 222-4-1. – L. no 2007-293, 5 mars 2007).
c) L’article 2 de la loi du 20 novembre 2007 procède par ailleurs à une réécriture à deux des trois motifs de refus du regroupement familial (C. étrangers, art. L. 411-5). Tout d’abord, la loi prévoit que les ressources devront atteindre un montant qui tiendra désormais compte de la taille de la famille du demandeur. Fixé par décret, ce montant minimal devra être compris entre une fois et une fois et demi le salaire minimum de croissance mensuel. Jusqu’alors, les ressources de l’étranger devaient permettre de subvenir aux « besoins de sa famille », atteindre le SMIC et ne pas dépendre des prestations familiales et de certaines allocations, le revenu minimum notamment. Par analogie, une même condition de ressources est imposée au titulaire du statut de résident de longue durée-CE dans un autre État membre de l'Union qui souhaite faire venir son conjoint ou ses enfants (C. étrangers, art. L. 313-11-1 ; art. 3 de la réforme).
En 2006, le législateur avait usé d’une formule malheureuse en subordonnant l’octroi du regroupement familial au respect les « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Dans sa décision n° 2006-539 du 20 juillet 2006, le Conseil constitutionnel avait indiqué que cette référence renvoyait non à la catégorie de principes mentionnés par le Préambule de la Constitution de 1946 mais aux « principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil ». La loi du 20 novembre 2007 reprend cette formule.
d) La loi du 20 novembre 2007 étend le droit de séjour de la victime de violences conjugales qui séjourne au titre du regroupement familial (C. étrangers, art. L. 431-2). Désormais, en cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint, avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint recevra une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Son droit de séjour est également reconnu au cas où la communauté de vie est rompue à son initiative (C. étrangers, art. L. 313-12 ; art. 4, 5, 14 et 15 de la loi).
2) Conditions de placement en zone d’attente : l’article 25 de la loi du 20 novembre 2007 officialise une pratique qui consiste à prononcer un placement initial de quatre jours en zone d’attente et non plus 48 heures renouvelable une fois (C. étrangers, art. L. 221-3). Par ailleurs, l’article 26 de la loi justifie la prolongation du placement au-delà de douze jours « en cas de volonté délibérée de l'étranger de faire échec à son départ » (C. étrangers, art. L. 222-2). Une prolongation d’office est également prononcée lorsqu'un candidat à l’asile dépose un recours en annulation contre son refus d’entrée dans les quatre derniers jours de la période de maintien en zone d'attente (Cf. nouvel art. L. 213-9). Enfin, une prorogation d'office du maintien en zone d'attente de six jours est prononcée si un étranger dépose une demande d'asile dans les six derniers jours de son maintien (C. étrangers, art. L. 222-2 ; art. 26 de la loi).
3) Délivrance des visas
a) Il est désormais fait obligation au conjoint de moins de 65 ans de procéder dans le pays où il sollicite le visa à une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des « valeurs de la République » (C. étrangers, art. L. 211-2-1 ; art. 10 de la loi). La délivrance du visa sera subordonnée à la production d'une attestation de suivi d’une formation. Le conjoint qui souhaite établir sa résidence en France pour des raisons professionnelles en sera exonéré.
b) Dans les pays où l'état civil présente des « carences », un test génétique permettant d’établir la filiation entre une mère et un enfant pourra être organisé en cas d'inexistence d'un acte ou lorsque le doute sérieux sur son authenticité n'aura pu être levé par la possession d'état (cf. C. civ., art. 311-1. - C. étrangers, art. L. 111-6 ; art. 13 de la loi). Ce test pourra être proposé aux bénéficiaires du regroupement familial et aux membres de la famille d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire. La demande de test devra être adressée « sans délai » au tribunal de grande instance de Nantes qui se prononcera sur la nécessité de procéder à une telle identification dont le coût sera pris en charge par l'Etat. Un décret pris après avis du Comité consultatif national d'éthique devra définir les conditions de mise en œuvre de ces mesures, la liste des pays concernés, la durée de cette expérimentation qui devra s'achever au plus tard le 31 décembre 2009 et les modalités d'habilitation des personnes autorisées à procéder au test. Une commission de neuf personnes sera par ailleurs chargée d’évaluer ce dispositif.
Contesté sur le terrain du principe d’égalité devant la loi, ce dispositif a été validé (Cons. const., déc. n° 2007-557 DC, 15 nov. 2007). Tout d’abord, il a été relevé que la loi permet de suppléer l'absence ou le défaut d'authenticité d'un acte d'état civil. Ce mode d’identification ne s'applique donc pas, « à l'évidence », lorsque la filiation en cause n'est pas fondée sur un lien génétique comme en matière de filiation adoptive. Sur ce point, la loi ne viole pas le principe d'égalité entre enfants biologiques et enfants adoptés. Ensuite, en limitant la nouvelle faculté de preuve à l'établissement d'une filiation avec la mère, le Conseil a estimé que la loi assurait une conciliation non « manifestement déséquilibrée entre le droit à une vie familiale normale, le respect de la vie privée de l'enfant et du père et la sauvegarde de l'ordre public, qui inclut la lutte contre la fraude ». Enfin, et plus largement, le Conseil a rappelé que les étrangers étaient dans une situation spécifique, ne pouvant pas se prévaloir d’un droit de séjour. Les conditions de vérification de pièces d’état civil produites dans le cadre d’une demande de titre de séjour peuvent donc être différentes. Pour autant, les étrangers n’étant pas dans une situation différente au regard du droit des personnes, ils ne sauraient être soumis à un droit civil spécifique. Cette rupture d’égalité a cependant été écartée au motif que la loi ne créait pas de règles de filiation spéciales qui pourraient conduire à ne pas reconnaître un lien de filiation établi par la loi applicable aux enfants. En effet, la loi française ne s’applique que sous réserve des traités qui déterminent la loi applicable au lien de filiation. De même, la loi ne déroge pas aux règles du conflit des lois définies par les articles 311-14 et suivants du code civil qui soumettent, par principe, la filiation de l’enfant à la loi personnelle de la mère. Tout au plus, le Conseil énonce deux réserves d’interprétation pour éviter la mise en œuvre d’un droit civil spécial applicable à certains ressortissants : la preuve de la filiation par test génétique au moyen de la possession d’état ne pourra être accueillie que si, en vertu de la loi applicable aux étrangers concernés, un mode de preuve comparable est admis. Par ailleurs, les étrangers concernés devront avoir la possibilité de justifier du lien de filiation par d’autres modes de preuve. Les autorités consulaires ne seront donc pas dispensées de vérifier les actes d’état civil produits et ne pourront pas recourir systématiquement à des tests.
4) Réforme des titres de séjour
a) Au terme de sa première échéance de dix ans, la carte de résident devient désormais permanente (C. étrangers, art. nouveau L. 314-14 ; art. 17 de la loi). Ce point fait écho à l’interdiction de refuser le renouvellement d'une carte de résident au motif qu’une présence régulière en France de dix ans est « de nature à avoir fait naître entre l'étranger et le pays d'accueil des liens multiples » (CE, 14 févr. 2001, req. no 206914, Belmehdi). La loi maintient une réserve d’ordre public que la jurisprudence avait jugé incompatible avec le droit au respect de la vie privée et familiale. Par ailleurs, les titulaires de la carte de résident ne sont plus dispensés de l'autorisation requise pour exercer une activité commerciale (C. étrangers, art. L. 314-4 ; art. 18 de la loi).
b) La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 a créé une carte de séjour portant la mention « salarié en mission ». Le décret n° 2007-801 du 11 mai 2007 pris en application, contrairement à l'intention du législateur, a imposé l'antériorité du contrat de travail depuis au moins six mois (C. étrangers, art. R. 341-4-5). La nouvelle rédaction de l’article L. 313-10 prévoit que l'étranger doit justifier d'un contrat de travail datant d'au moins trois mois (C. étrangers, art. L. 313-10 ; art. 36 de la loi). Par ailleurs, la loi du 20 novembre 2007 corrige une malfaçon de la loi du 24 juillet 2006 qui aboutissait à opposer la situation de l'emploi dans le département aux salariés en mission.
c) Le descendant ou l’ascendant direct à la charge d’un ressortissant communautaire et son conjoint bénéficiaient d’un titre de séjour dont la durée de validité ne pouvait pas être inférieure à cinq ans ou à la durée du séjour envisagée. Désormais, cette durée de validité ne peut plus excéder cinq ans (C. étrangers, art. L. 121-3 ; art. 20 de la loi). Par ailleurs, le non-respect de l’obligation d'enregistrement qui pèse sur les ressortissants communautaires peut justifie une reconduite à la frontière (C. étrangers, art. L. 121-2, art. 33). En effet, l'article L. 511-1, II, 8° permet la reconduite de l'étranger qui, dans les trois mois qui suivent son entrée sur le territoire, a travaillé sans y être autorisé. L'impossibilité de déterminer avec précision la date d'entrée en France des ressortissants communautaires rend cette mesure inapplicable. La loi du 20 novembre 2007 apporte une solution à cette situation en présumant que les personnes qui n'ont pas respecté l'obligation d'enregistrement sont réputés résider depuis moins de trois mois. La compatibilité de cette présomption avec l'article 8 de la directive n° 2004/38 du 29 avril 2004 peut être posée. Certes, l'État d'accueil peut imposer une obligation d’enregistrement aux personnes qui séjournent plus de trois mois. Toutefois, le non-respect de l'obligation d’enregistrement doit être passible d’une sanction proportionnée. Une reconduite à la frontière paraît sur ce point disproportionnée.
d) La composition de la commission du titre de séjour a été modifiée (C. étrangers, art. L. 312-1, art. 21 de la loi). Alors qu’elle comprenait jusqu’alors cinq membres et qu’elle était présidée par un magistrat administratif, elle sera composée d'un maire et de deux personnalités qualifiées désignées par le préfet. Le président sera désigné parmi ses membres par le préfet.
5) Droit de l’asile politique
a) La France a été condamnée en 2007 au motif que le recours contre le refus d'entrée opposé à un candidat à l'asile n'était pas suspensif (CEDH, 26 avr. 2007, req. no 25389/05, Gebremedhin c/ France). Pour satisfaire à cette exigence, il avait été envisagé de conférer un caractère suspensif à la procédure de référé-liberté. Ce choix ne permettait cependant pas au juge de se prononcer sur le fond. La crainte d’une augmentation du nombre de recours a également conduit à imaginer un autre dispositif (181 demandes de référé-liberté ont été déposées en 2006 sur 2 194 demandes d'asile à la frontière déclarées manifestement infondées ; pour 96 % d’entre-elles, le tribunal de Cergy-Pontoise était compétent).
Finalement, le choix s’est portée sur une procédure inspirée de celle applicable aux arrêtés de reconduite à la frontière (C. étrangers, art. L. 213-9 et égal. CJA, art. L. 777-1 ; art. 24 de la loi). La loi reconnaît au refus d'entrée un effet suspensif de 48 heures et introduit une action en annulation qui sera suspensive d’exécution jusqu’à la décision du juge. Exclusif de toute autre action, ce recours devra être déposée dans les 48 heures. Un juge unique devra statuer dans les 72 heures au terme d’une audience qui se déroulera en présence de l’étranger, sans conclusions du commissaire du Gouvernement. Toutefois, une ordonnance pourra donner acte des désistements, constater un non-lieu à statuer et rejeter un recours (incompétence, irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte, recours manifestement mal fondé). Sauf si l'étranger s'y oppose, l’audience pourra se tenir dans une salle d'audience de la zone d'attente par un moyen de communication audiovisuelle. Un appel non suspensif pourra être interjeté dans un délai de quinze jours. Si le refus d'entrée est annulé, il sera mis fin au maintien en zone d'attente de l'étranger qui recevra un visa de régularisation de huit jours. Dans ce délai, le préfet lui délivrera une autorisation provisoire de séjour pour lui permettre de déposer une demande d'asile.
b) Dans un contexte marqué par la volonté de conférer au juge de l’asile une indépendance par rapport à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’article 29 de la réforme modifie le nom de la Commission des recours des réfugiés qui devient la « Cour nationale du droit d'asile ». Par ailleurs, l’article 28 de la loi substitue la tutelle de l’Office du ministre chargé de l’immigration à celle du ministre des Affaires étrangères. Suivant la même logique, le président du conseil d'administration de l'Office sera nommé sur proposition conjointe du ministre des Affaires étrangères et du ministre chargé de l'asile. Sur ces deux points, le ministre de l’Intérieur perd tout droit de regard. Il est enfin ajouté parmi les membres du conseil d’administration de l'Office un député européen pour, a t-on estimé, renforcer la prise en compte des enjeux européens (C. étrangers, art. L. 721-1, L. 722-1, L. 722-2 et L. 722-4).
6) Départ forcé
a) La loi du 24 juillet 2006 avait permis d'assortir le refus d'admission au séjour d'une obligation de quitter le territoire qui, après un mois, peut être exécutée d'office. Si l'intéressé se maintient pendant un an, il ne peut plus être placé en rétention sur le fondement de cette mesure d'éloignement. Il ne peut alors faire l’objet que d'une obligation de quitter le territoire qui lui ouvre un nouveau droit de séjour d’un mois. L’article 42 de la loi du 21 novembre 2007 revient sur l’impossibilité de prononcer un arrêté de reconduite à la frontière (C. étrangers, art. L. 511-1).
b) L’article 40 de la loi du 20 novembre 2007 décide que l'obligation de quitter le territoire n'a pas à être motivée (C. étrangers, art. L. 511-1, I). Il avait pourtant été admis que l’obligation de quitter le territoire étant une mesure de police administrative, elle devait, comme telle, être motivée. Toutefois, la motivation de l’OQTF se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle. Pour cette raison, le Conseil d’Etat avait estimé que dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une OQTF ont été rappelées, l’OQTF n’a pas à être motivée (CE avis, 19 oct. 2007, M. Youssef B, req. n° 306821).
7) Epargne codéveloppement (CMF, art. L. 221-34 ; art. 52 de la loi) : prolongeant la réforme du 24 juillet 2006 qui avait créé le compte épargne développement (CMF, art. L. 221-33), le cadre d’application de l’épargne codéveloppement est précisée. Elle sera proposée par une banque qui s'engagera par convention avec l'Etat à respecter les règles fixées pour le fonctionnement d’un livret qui est destiné à recevoir l'épargne d'étrangers majeurs ayant la nationalité d'un pays en voie de développement. L’épargne ainsi collectée devra servir à financer des opérations d'investissement. Le nouveau livre 9 du CESEDA fait désormais écho à cette épargne.
8) Outre-mer : l’article 58 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 habilite le Gouvernement à étendre la réforme par ordonnance, avec les adaptations nécessaires, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. Cette ordonnance devra être publiée dans les six mois et un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement avant le 22 novembre 2008. Une même autorisation est ouverte pour adopter dans les douze mois un code de l'entrée et du séjour des étrangers dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie. Ce code regroupera et organisera les dispositions législatives relatives à l'entrée et au séjour des étrangers dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Selon une formule désormais classique, cette codification pourra modifier l’état du droit pour « assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés et harmoniser l'état du droit » (L. 20 nov. 2007, art. 58). Un projet de loi de ratification devra être déposé avant le 22 juin 2009.