Remarques:
- le projet de loi parachève ou assure la transposition des directives n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (accueil), n° 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (procédures) et n° 2011/95/UE du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (qualification).
- la synthèse sera actualisée au gré des discussions au Parlement;
- les articles cités sont ceux du code de l'entrée et du séjour des étrangers;
- le projet peut être consulté à l'adresse suivante: http://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPreparation.do;jsessionid=D24675CD41AFF2D20F8D426CDD36E067.tpdjo09v_2?idDocument=JORFDOLE000029287346&type=general&typeLoi=proj&legislature=14
1. Clarification de plusieurs notions pour tenir compte de la directive « qualification » : notions d'actes et de motifs de persécution (L. 711-2), de protection subsidiaire (L. 712-1), d'exclusion de la protection subsidiaire (L. 712-2) et d’acteurs de la protection dans le pays d'origine (L. 713-2), d'asile interne (L. 713-3).
2. Traitement des demandes
a) Le projet met fin à la distinction entre les demandeurs d'asile provisoirement admis au séjour et ceux qui ne le sont pas (L. 743-1 à L. 743-5). Il confère à tous les demandeurs d'asile le droit au maintien sur le territoire. Ce droit au maintien est accordé le temps de l'examen de la demande d'asile par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides et, le cas échéant, par la Cour nationale du droit d’asile (le caractère suspensif du recours devant cette juridiction est généralisé, y compris s'agissant des demandes d'asile examinées selon la procédure accélérée). Ce droit est aussi reconnu au demandeur relevant de la procédure « Dublin » jusqu'à son transfert (L. 743-3).
b) L'attestation de demande d'asile vaudra droit au maintien sur le territoire et se substitue au dispositif actuel d'admission provisoire au séjour (L. 743-1).
c) Demandeur d'asile placé sous procédure « Dublin » : bénéficiant d'un droit de séjour jusqu'à son transfert, un document spécifique sera remis attestant de sa qualité de demandeur d'asile (L. 742-1 à L. 742-6). Il pourra être assigné à résidence le temps nécessaire à la mise en œuvre de la procédure de détermination de l'État responsable. Il pourra engager un recours spécifique contre la décision de transfert (recours en annulation de plein droit suspensif devant le président du tribunal administratif dans un délai de sept jours, le juge devant statuer dans un délai de quinze jours).
d) Le projet autorise l’Office à écarter plus facilement les demandes les moins fondées (L. 723-2) : procédures d'irrecevabilité (réexamen sans éléments nouveaux), décision de clôture en cas de retraits explicites ou implicites d'une demande d'asile (L. 723-11 et L. 723-12), procédure de recevabilité des demandes de réexamen manifestement dilatoires et formées dans le seul but de prolonger le maintien en France (L. 723-13, L. 723-14 et L. 723-15), procédure accélérée remplaçant la procédure prioritaire de plein droit en vertu de la loi (provenance d’un pays d’origine sûr ou d’une demande de réexamen recevable), par décision de l’Office (critères inhérents au contenu de la demande : le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence, la demande est peu convaincante…) ou par décision du préfet sur la base de critères extérieurs à la qualité intrinsèque de la demande (refus de donner ses empreintes, demande tardive, volonté de faire échec à une mesure d’éloignement, ordre public).
L’Office pourra par ailleurs ne pas examiner au fond une demande lorsque le demandeur bénéficie de manière effective d'une protection internationale dans un autre pays (L. 723-10). L'étranger sera éloigné vers le pays qui lui a accordé sa protection.
e) Le projet de loi maintient la possibilité pour le conseil d’administration de l’Office de fixer une liste des pays d’origine sûrs mais sur la base de la définition donnée par la directive n° 2013/32 (L. 722-1). Par ailleurs, le projet prescrit au conseil d’administration de veiller à l’actualité et à la pertinence de cette liste et renvoie à un mécanisme réglementaire d’urgence permettant de suspendre l’inscription d’un pays sur cette liste en cas d’évolution rapide et incertaine de la situation dans le pays.
3. Procédures d'asile en rétention (L. 556-1) : pour tenir compte de la jurisprudence européenne, le projet supprime tout caractère automatique du maintien en rétention du demandeur et de l'examen de sa demande selon une procédure accélérée. Le préfet pourra décider de maintenir en rétention le demandeur s’il estime que la demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la décision d'éloignement. Cette demande sera alors examinée par l'Office selon une procédure accélérée (il sera alors mis fin au maintien en rétention si l'Office considère qu'il ne peut statuer selon cette procédure). En cas de décision négative de l'Office, l'intéressé aura la possibilité de former un recourssuspensif devant la Cour nationale du droit d’asile et de saisir le juge administratif. Si la demande n'est pas dilatoire, le demandeur pourra se maintenir jusqu'à la décision de la Cour.
4. Conditions d'accueil des demandeurs
a) Le projet unifie le parc d'hébergement des demandeurs d'asile (en s'inspirant du modèle des CADA) et le dispositif d'allocation (L. 744-1 à L. 744-9 : schéma national des places d'hébergement, décliné dans chaque région par un schéma régional).
b) Il introduit un dispositif d'hébergement contraignant pour éviter les concentrations de demandeurs. En cas de refus, le demandeur perdra son droit aux conditions d'accueil. L'Office français de l'immigration et de l'intégration sera désormais seul responsable et pourra procéder à un examen des causes de vulnérabilité du demandeur d'asile pouvant avoir une incidence sur la localisation et l'environnement du futur hébergement (L. 744-1).
Par ailleurs, le projet précise le délai pendant lequel le demandeur d'asile bénéficie des conditions d'accueil (L. 744-5). Il introduit encore un mécanisme juridictionnel en cas d'occupation indue par une personne dont la demande d'asile a été définitivement rejetée d'une place dans un centre d'hébergement afin que le juge administratif enjoigne l'occupant sans titre de quitter les lieux (CJA, art. L. 521-3).
c) Le projet précise les conditions d’accueil des personnes vulnérables (L. 744-6).
5. Procédure devant l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides
a) Cadre du traitement : affirmation symbolique du principe d'indépendance de l’Office et principe d'anonymat des officiers (L. 721-2).
b) Traitement des demandeurs se trouvant dans une situation de vulnérabilité pour aménager les modalités d'examen de leur demande et statuer en priorité (L. 723-3). Pour les mineurs, l'Office doit tenir compte de leurs besoins particuliers.
c) Respect d’un délai de traitement de neuf mois (trois mois pour les procédures accélérées) : principe de coopération du demandeur qui doit apporter tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande (L. 723-4). Le projet habilite encore l'autorité judiciaire à communiquer à l'Office et à la Cour toute indication de nature à faire présumer l'existence d'un motif d'exclusion du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire ou du caractère frauduleux d'une demande (L. 721-4 et L. 721-5).
d) Principe d’une convocation à un entretien avec possibilité d'être assisté par un avocat ou un représentant d'une association habilitée (L. 723-6 et L. 723-7).
6. Asile aux frontières : l'avis de l'Office liera désormais le ministre pour l'admission sur le territoire, sauf motif d’ordre public (L. 213-8-1). Le projet ajoute aux motifs de refus d'admission au titre de l'asile les cas d'application du règlement « Dublin ». Il donne par ailleurs une définition précise de la notion de demande « manifestement infondée ».
7. Procédures contentieuses
a) Le projet introduit un recours suspensif généralisé (ci-dessus). Cette nouveauté concerne notamment les demandeurs justiciables du règlement Dublin dans le cadre du recours devant les tribunaux administratifs.
b) Il crée une procédure de jugement à juge unique en un mois des dossiers ayant fait l'objet d'une procédure accélérée devant l'Office (recours à caractère suspensif).
c) Il pose un délai de jugement de cinq mois pour statuer (L. 731-2).
Pour les décisions de l'Office prises sur le fondement des articles L. 723-2 (procédure accélérée) et L. 723-10 (irrecevabilité), l'affaire sera soumise à un juge unique qui statuera dans le délai de cinq semaines ou, si la demande n'était pas justifiée, renverra l'affaire en formation collégiale.
d) Organisation de la Cour :
- l’organisation en « sections » est remplacée par une organisation en « formations de jugement » regroupées en chambres et sections ; pour la nomination des assesseurs, une compétence dans les domaines juridique ou géopolitique est posée (L. 732-1).
- possibilité du huis clos pour les audiences (L. 733-1-1).
- la Cour renvoie en cas d’annulation devant l’Office que lorsque l'Office s'est abstenu d'examiner une demande ou s'est dispensé, hors les cas prévus par la loi, de procéder à un entretien avec le demandeur (L. 733-4).
8. Séjour des réfugiés et protégés
- La carte de séjour du bénéficiaire de la protection subsidiaire et des membres de sa famille sera valide deux ans, contre un aujourd’hui (L. 313-13).
Une carte de résident est délivrée aux ascendants de mineurs ayant obtenu le statut de réfugié (L. 314-11).
- Les bénéficiaires du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire bénéficieront d'un accompagnement dans l'emploi et le logement lorsqu'ils se sont engagés dans le parcours d'accueil (L. 751-1).
- Le projet garantit le droit à la réunification familiale des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire (L. 752-1). Ainsi, le bénéficiaire d'une telle protection pourra faire venir les membres de sa famille se trouvant dans le pays d'origine, sans que lui soient opposées les conditions de durée de séjour préalable, de logement et de ressources.