Remarques:
- la synthèse sera actualisée au gré des discussions au Parlement;
- les articles cités sont ceux du code de l'entrée et du séjour des étrangers;
- le projet peut être consulté à l'adresse suivante: http://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPreparation.do;jsessionid=CAC7E8D34D3DC7358F3C494D15F7C4E2.tpdjo09v_2?idDocument=JORFDOLE000029287359&type=general&typeLoi=proj&legislature=14
1. Intégration des étrangers
a) Réforme du contrat d’accueil et d’intégration (L. 311-9) : le projet instaure un « contrat personnalisé fixant le parcours d'accueil et d'intégration » qui renforce notamment l'exigence de connaissance du français et supprime le pré-contrat d’accueil et d’intégration et le contrat d’accueil et d’intégration pour la famille. La carte de séjour pluriannuelle (ci-dessous) sera délivrée sous réserve du respect des engagements du contrat.
b) Réforme des conditions de délivrance d'un titre de séjour : la première année de séjour s’effectuera sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour ou d'une carte de séjour temporaire. Une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans sera ensuite délivrée, sous réserve de plusieurs exceptions (visiteur, stagiaire, travailleur temporaire, victimes de la traite des êtres humains). Le projet escompte une économie de 2,4 millions de passages en préfecture (750 000 titres concernés). La durée maximale pourra être aménagée (étudiants en fonction de la durée des études, étrangers malades en fonction de la durée des soins et deux ans pour les conjoints de Français, les parents d'enfants français et les étrangers séjournant dans le cadre de liens personnels et familiaux). À tout moment, l'étranger devra continuer à justifier qu'il remplit les conditions pour en bénéficier.
2. Étrangers malades : le projet substitue la mention d’« absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire » par la notion de « bénéfice effectif » et supprime la « circonstance humanitaire exceptionnelle ». Après une première année sous couvert d’une carte de séjour d’un an, la carte pluriannuelle sera délivrée sur la base de la durée prévisible des soins, avec une durée maximale de quatre ans. Par ailleurs, pour garantir l'homogénéité des décisions, la décision du préfet sera désormais basée sur un avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non sur l'avis de l'Agence régionale de santé.
3. Séjour des étudiants : une autorisation provisoire de séjour sera remise au titulaire d'un diplôme au moins au master justifiant d'un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation (L. 311-11). À l'expiration du titre, il pourra prétendre à une carte de séjour temporaire « salarié », « entrepreneur-profession libérale » ou pluriannuelle « passeport talent » (V. ci-dessous). L'étudiant de niveau master n'ayant pas sollicité l’autorisation provisoire de séjour obtenir un titre de séjour salarié s'il présente à l'expiration de sa carte « étudiant » un contrat de travail en cohérence avec ses études assorti d'une rémunération minimale (L. 313-10).
4. Activité professionnelle (L. 313-10)
a) Le projet rétablit la distinction entre les contrats à durée indéterminée pour la carte de séjour « salarié » et les contrats à durée déterminée ou de détachement pour la carte de séjour « travailleur temporaire ».
b) Il crée une nouvelle carte « entrepreneur-profession libérale » (fusion de la carte délivrée aux étrangers exerçant une profession commerciale, artisanale ou industrielle avec celle délivrée aux travailleurs indépendants).
c) Il réforme les autorisations provisoires de travail de moins de trois mois : seuls les séjours supérieurs à trois mois donneront lieu à l’établissement d’une autorisation de travail.
d) Il instaure une carte de séjour« passeport talent » d'une durée de validité de quatre ans :
- neuf catégories seront concernées : jeune diplômé qualifié, investisseur, créateur d'entreprise, mandataire social, chercheur, travailleur hautement qualifié, salarié en mission, artiste, étranger ayant une renommée internationale dans un domaine scientifique, littéraire, intellectuel, éducatif ou sportif). Soit trois nouvelles catégories : jeunes diplômés (master ou doctorat en France, sous réserve d’un contrat de travail ou embauche dans une jeune entreprise innovante), créateurs d'entreprise, mandataires sociaux.
- le titre permettra l'exercice d'une activité salariée sans solliciter l'autorisation de travail. En cas de perte involontaire d'emploi, la carte est renouvelée pour un an puis, le cas échéant, pour la durée des droits chômage.
5. Départ forcé
a) Réforme des obligations de quitter le territoire
- suppression de la mesure résiduelle de reconduite à la frontière prévue à l'article L. 533-1 qui doublonne depuis 2011 avec l'obligation de quitter le territoire.
- le projet autorise la prolongation du délai de départ accordé initialement (L. 511-1, II).
- il pose le principe (et non la faculté) d'une interdiction administrative de retour en complément d’une obligation de quitter le territoire.
- le préfet pourra apprécier au cas par cas le risque de fuite (L. 511-1, II, 3°) sur la base de critères exhaustifs mais non impératifs.
- l’obligation de quitter le territoire indiquera que son destinataire doit non seulement quitter le territoire français mais aussi de rejoindre un pays tiers à l’Union européenne (L. 511-1).
- le projet institue des délais de recours et de jugement différenciés dans le cas (nouveau) d’une obligation de quitter le territoire visant un étranger dont la demande d’asile est rejetée ; même logique aux cas où l’obligation de quitter le territoire se fonde sur l’entrée irrégulière (L. 511-1, I, 1°) ou sur un maintien dans la clandestinité (L. 511-1, I, 2° et 4°). Le délai de recours est ici réduit à sept jours devant le président du tribunal administratif qui statuera dans le délai d’un mois.
b) Départ forcé des ressortissants de l'Union européenne : le projet introduit une mesure d’interdiction de circulation lorsque la mesure d’éloignement est prononcée pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou d’abus de droit (L. 511-3-1).
c) Réforme de l’assignation et de la rétention
- le projet affirme la priorité de la mesure moins coercitive (L. 551-1 : « l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque (de fuite), peut être placé en rétention »).
- il précise qu’un étranger assigné à résidence pourra faire l’objet d’un placement en rétention lorsque les conditions de l’assignation ne sont plus réalisées et qu’un étranger pourra être assigné lorsque la rétention prend fin (L. 561-2 et L. 554-3).
- lorsque l'étranger assigné à résidence n'a pas déféré à une précédente demande, il pourra faire l’objet d’une escorte par les services de police ou les unités de gendarmerie à l'occasion des déplacements devant les autorités consulaires dans le cadre de la préparation de son départ (L. 513-5).
- le préfet pourra solliciter du juge des libertés et de la détention l'autorisation de requérir la force aux fins d'intervention au domicile des personnes qui, assignées à résidence, utilisent l'inviolabilité du domicile pour faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement (L. 561-2).
- lorsque l’étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire justifie d’une impossibilité à quitter le territoire, cette personne recevra une autorisation de maintien provisoire dans le cadre d’une mesure d’assignation à résidence de six mois renouvelable (L. 561-1). Le projet pose des limites au renouvellement de cette mesure (six mois, renouvelable une fois). La durée maximale de six mois n’est pas posée en cas d’expulsion et d’interdiction judiciaire du territoire.
d) Le projet double le montant des amendes qui, sur le fondement des articles L. 625-1, L. 625-4 et L. 625-6, peuvent être appliquées aux entreprises de transport qui exploitent des liaisons internationales en provenance d’un État tiers. Il supprime par ailleurs le dispositif de numérisation prévu à l’article L. 625-3.
e) Outre-mer
- le dispositif contentieux applicable en Guyane, en Guadeloupe, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et Saint-Martin (absence de recours suspensif de plein droit en matière de contentieux des obligations de quitter le territoire) ne répond pas aux exigences d’effectivité du recours garanti par l’article 13 de la convention, même si celui-ci n’implique pas une exigence générale d’un recours suspensif de plein droit car le caractère suspensif du recours ne s’impose que dans le cas où son absence pourrait entraîner des « conséquences potentiellement irréversibles », notamment sous l’angle de l’article 3 (L. 514-1. - CEDH, 13 déc. 2012, De Souza Ribeiro). Le projet maintien le droit actuel mais interdit l’exécution de la mesure d’éloignement avant que le juge, saisi d’un référé liberté sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, n’ait statué sur la tenue de l’audience contradictoire et, dans le cas où il décide de la tenue de cette audience, n’ait rejeté le référé).
- le projet étend à la Martinique les adaptations prévues à l'article L. 611-11 qui permettent en Guyane, en Guadeloupe, à Saint Barthélemy et à Saint-Martin, de procéder, avec l'accord du conducteur ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République, à la visite sommaire des véhicules pour vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des pièces ou documents ou de rechercher et constater les infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France. Il étend également l'adaptation prévue à l'article 78-2 du code de procédure pénale qui permettent en Guyane, en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Mayotte de procéder à des contrôles sans réquisition du procureur dans des zones définies par la loi.
- pour tenir compte de la décision n° 2014-390 QPC du 11 avril 2014 (M. Antoine H.), le projet introduit un dispositif d’information du propriétaire la destruction du bien qui a servi à transporter des étrangers en situation irrégulière (L. 622-10).