Code Lexis-Nexis édition 2018, C. étrangers, Livre 7
Confrontées à l’afflux massif d’étrangers sur un terrain situé à proximité de Calais (« la Lande »), les autorités publiques compétentes ont souhaité répartir en 2016 la prise en charge des personnes dans plusieurs structures d’accueil implantées en France en fonction de leur situation (mineurs isolés, demandeurs d’asile en France, étrangers relevant d’un centre d’accueil et d’orientation). Cette décision a entraîné la fermeture des structures implantées dans la région de Calais. Pourtant, au début de l’année 2017, plusieurs centaines de migrants se sont à nouveau installés dans cet espace. En l’absence de structures d’accueil, 54 migrants et 11 associations ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille pour faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées à plusieurs libertés fondamentales. Par une ordonnance du 26 juin 2017, le juge des référés a partiellement fait droit à cette demande et a enjoint au préfet de mettre en place dans les dix jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, un dispositif adapté pour les mineurs non accompagnés, plusieurs points d’eau, des latrines, des douches et un départ des personnes concernées vers les centres d’accueil et d’orientation ouverts sur le territoire français. Il a en revanche rejeté la demande tendant à la création d’un centre sur le territoire de la commune de Calais.
À titre liminaire, le juge des référés du Conseil d'État rappelle que les autorités titulaires du pouvoir de police générale sont garantes du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité humaine. Pour cette raison, elles doivent veiller à garantir le plein effet du droit de tout individu à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants. Lorsque la carence de l’administration expose des personnes à de tels traitements qui portent une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale et que la situation permet de prendre des mesures de sauvegarde dans un délai de 48 heures, le juge des référés peut donc prescrire toutes mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence. Sur ce fondement, il a pris acte que, en dépit de l’évacuation des campements de migrants et de leur prise en charge dans des structures dédiées, plusieurs centaines de migrants (entre 300 et 400 en mai 2017 ; selon le Défenseur des droits, entre 400 et 600 en juin 2017 dont une centaine de mineurs) étaient toujours présents « dans un état de dénuement et d’épuisement », sans accès à un point d’eau ou de douche ni à des toilettes. Cette situation a entraîné des pathologies (gale, impétigos, plaies infectées) et de graves souffrances psychiques de nature à exposer les personnes à des traitements inhumains ou dégradants caractérisés et à générer un risque pour la santé publique. Cette situation d’urgence n’autorise pas le juge des référés à remettre en cause le choix des autorités publiques de traiter la situation des migrants présents à Calais en les prenant en charge dans des structures adaptées à leur situation et situées en dehors du territoire de la commune de Calais dans le but d’éviter à nouveau un afflux incontrôlé de migrants. En revanche, il peut ordonner des mesures urgentes et nécessaires. Le juge des référés du Conseil d'État a donc confirmé l’ordonnance de première instance imposant d’installer des dispositifs d’accès à l’eau, à des latrines et à des douches. Cette injonction vise l’État dans la mesure où les mesures en cause excèdent les pouvoirs de police générale du maire de la commune de Calais.
L’injonction faite au préfet d’organiser des départs depuis Calais vers les centres d’accueil et d’orientation ouverts sur le territoire dans lesquels des places sont disponibles (évaluées selon le préfet du Pas-de-Calais à 11 000 places !) a également été confirmée dès lors qu’une telle mesure permettra éviter que des migrants s’installent durablement sur le territoire de la commune de Calais dans des conditions contraires au droit à ne pas être soumise à des traitements inhumains ou dégradants (CE, 31 juill. 2017, n° 412125, Min. Int. et commune de Calais).