L’unité du droit des étrangers constitue sans doute le trait le plus singulier de cette police administrative qui entend apporter une réponse univoque aux différents candidats au séjour. Loin d’être portée par des considérations humanitaires, cette unité se confond plutôt avec les exigences d’un État unitaire. Il importe également que les conditions essentielles d'application d'une loi organisant l'exercice d'un droit protégé soient les mêmes sur l'ensemble du territoire.
L’émergence en 1945 d’une source unique, opposable par défaut aux étrangers qui ne relèveraient pas d’un traité, le monopole de compétence des autorités de l’État, le droit de regard unificateur du Conseil d’État constituent autant d’indices de cette unité du droit des étrangers.
Dans le même temps, plusieurs brèches peuvent être aperçues dans cet édifice.
La raison première est formelle : tout comme l’ordonnance du 2 novembre 1945, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile constitue une source subsidiaire qui s’efface au profit d’accords bilatéraux mais également des textes promulgués dans les collectivités d'outre-mer. Simultanément, le développement de l’intégration européenne a fixé une nouvelle ligne de partage du droit des étrangers en soumettant les ressortissants d’un État tiers à un droit distinct de celui opposable aux ressortissants communautaires.
Sur le fond, l’indétermination de nombreux standards juridiques paraît compromettre, dans le silence de la loi, l’unité de traitement administratif sans que le juge soit toujours en mesure de rétablir certaines distorsions d’appréciation. Enfin, spécialement depuis 1998, le législateur a multiplié les motifs de délivrance de titres de séjour, contribuant à un morcellement du droit des étrangers.
Organisé par l’équipe de recherche Sécurité et polices du laboratoire DVPU de l’UFR de droit de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines en collaboration avec le barreau de Versailles, le colloque du 17 avril 2008 a tenté de faire le point sur cette situation en répondant à plusieurs questions qui renvoient aux réformes les plus récentes du droit des étrangers.
Dans quelle mesure l’unité du droit des étrangers singularise-t-elle cette matière ? Quelles sont les causes des disparités de traitement ? L’unité du droit des étrangers est-elle vraiment une garantie indissociable de l’égalité de traitement ? Comment mettre fin à des distorsions de traitement visant des étrangers pourtant placés dans une même situation de fait ?
Les actes du colloque seront publiés en décembre 2008 par Dalloz.
INTERVENTIONS
DISPARITÉ DES SOURCES ET ÉGALITE DE TRAITEMENT
Présidence de Xavier Crettiez, professeur de sciences politiques, vice-doyen de la faculté de droit UVSQ
L’unité du droit des étrangers depuis la IIIe République par Serge Slama (maître de conférences, Evry)
L’unité du droit des étrangers à l’épreuve du dédoublement des sources par Didier Liger (avocat au barreau de Versailles, membre du CNB)
Droit métropolitain et droit de l’outre-mer par Olivier Lecucq (professeur de droit public, Pau)
Droit communautaire, vecteur d’une segmentation du droit par Marie Gautier (professeur de droit public, Bordeaux)
Contrôle aux frontières maritimes : extra-territorialisation et diversité du droit applicable par Hélène Jorry (doctorante UVSQ, chargée de mission au CAS)
Politique de quotas et modes de preuve par Patrick Weil, directeur de recherche en histoire (CNRS – Paris I)
MUTATION DU DROIT DES ÉTRANGERS : DISPARITÉ ET INDIVIDUALISATION
Présidence de Patrick Frydman, Président de la CAA de Versailles
Le juge administratif et l’égalité de traitement par Michèle le Montagner (1er conseiller à la CAA de Versailles, commissaire du gouvernement)
Le regard de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité par Jean-Yves Monfort (président du TGI de Versailles, membre de la Halde)
Existe-t-il un droit à l’égalité de traite¬ment des étrangers ? par Ferdinand Mélin-Soucramanien (professeur de droit public, Bordeaux IV)
Sociologie du pouvoir discrétionnaire par Alexis Spire (chargé de recherche en sociologie, CNRS – Lille)
Contractualisation du droit des étrangers et égalité de traitement par Vincent Tchen
Quotas et égalité de traitement par Jean-Bernard Auby (professeur de droit public, IEP Paris, membre de la commission Mazeaud)
Conclusion par Stéphane Manson (doyen honoraire de la faculté de droit de l’UVSQ)