L'ordonnance du référé du 6 mars 2008 (Min. chargé de l’immigration, req. n° 313915) apporte plusieurs éclairages sur le contentieux des arrêtés de réadmission visant des candidats à l'asile:
1) En ne prévoyant pas un recours suspensif de plein droit dans l’hypothèse où l’arrêté de réadmission est contesté, l’article L. 531-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne contrevient pas à l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit à un recours effectif (Cf. par analogie pour l’absence d’effet suspensif du recours contre le refus d'entrée opposé à un candidat à l'asile, CEDH, 26 avr. 2007, req. no 25389/05, Gebremedhin c/ France). Pour le Conseil d’État, la mesure de réadmission prise à l'égard d'un demandeur d'asile, si elle a pour objet de le faire prendre en charge par un autre État membre, ne peut être exécutée qu'après la présentation des observations de l'intéressé. Ce dernier peut par ailleurs avertir un conseil ou toute personne de son choix et saisir le juge des référés. Il reste que, ainsi que le cas d’espèce l’illustre, la mesure de suspension n’est pas acquise.
2) Le droit constitutionnel d'asile impose aux autorités françaises d'assurer le traitement d'une demande de protection, même lorsque le droit international ou communautaire lui permet de confier cet examen à un autre État comme c’est le cas du règlement communautaire n° 343/2003 du 18 février 2003 (Cf. C. étrangers, art. L. 741-4, 3°). Cette évocation doit intervenir dans l’hypothèse où un État n’est pas en mesure de garantir un droit de séjour provisoire à un demandeur d'asile, la possibilité de présenter un recours suspensif, et, une fois reconnue la qualité de réfugié, une protection effective pour éviter d’être éloigné vers un pays dans lequel sa vie ou sa liberté serait menacée (Cf. Conv. Genève 28 juill. 1951, art. 33). Statuant en référé, le Conseil d’État a jugé que ces conditions n’étaient pas réunies pour justifier l’examen par la France d’une demande d'asile présentée par un ressortissant tchétchène et relevant des autorités polonaises. Sans doute, par elle-même, l'entrée de la Pologne dans l'espace Schengen ne permet pas de préjuger du respect des garanties qui doivent être reconnues aux demandeurs d’asile. Toutefois, « en l’état de l’instruction », il a été jugé que les autorités polonaises paraissent en mesure d’assurer aux intéressés un droit au séjour provisoire, le temps nécessaire à l’examen de leur demande d’asile. Par ailleurs, le Conseil d’État a estimé qu’il n’était pas établi que le bénéficiaire d’une protection soit exposé en Pologne à risque de refoulement vers son pays d'origine, même via un pays tiers.
3) Institué par le règlement n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, le fichier Eurodac permet à la France d'identifier les ressortissants d’État tiers qui ont déjà formulé une demande d’asile dans un autre État membre. Son accès n'est pas autorisé aux préfets. Il est réservé à une instance spécialisée de la direction centrale de la police aux frontières qui constitue l’interlocutrice unique du dispositif. Cette procédure, qui n'avait pas à être complétée par un texte pris en application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, ne méconnaît aucune règle de confidentialité nécessaire à l'exercice du droit d'asile.