Code Lexis-Nexis édition 2017, C. étrangers, Livre 5 et 7 et Annexe 6
L’État doit mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu à toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale (CASF, art. L. 121-7, L. 345-2 et L. 345-2-3). Cette obligation de résultat est d’autant plus impérative qu’une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette mission peut porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative. Cette atteinte grave à une liberté fondamentale que le Conseil d'État n’identifie pas s’apprécie compte tenu, d’une part, des moyens dont l’Administration dispose et de sa diligence à agir et, d’autre part, de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne. Les ressortissants étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire et les candidats à l’asile qui ne peuvent plus bénéficier du dispositif d’hébergement d’urgence après le rejet définitif de leur demande (Cf. C. étrangers, art. L. 743-3) sont dans une situation spécifique et doivent établir des « circonstances exceptionnelles ». Ces circonstances sont établies pour les mineurs étrangers qui ne sont pas pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance ou s’il existe un risque grave pour la santé ou la sécurité d’enfants mineurs mettant en péril leur « intérêt supérieur ». Le droit à l’hébergement d’urgence des personnes entrant dans ce périmètre trouve sa limite lorsque l’État a accompli des efforts conséquents pour accroître les capacités d’hébergement d’urgence et a massivement recours à l’hébergement hôtelier pour répondre aux besoins les plus urgents. Il en est de même si les candidats à un hébergement d’urgence ont continué de bénéficier d’un logement après le rejet de leur demande d’asile et ont refusé l’aide au retour qui leur était proposé (CE sect., 13 juill. 2016, n° 400074, Min. des affaires sociales et de la santé c/ M. et Mme J. et du même jour, n° 399834, Département du Puy-de-Dôme c/ M. et Mme K., absence de « circonstances exceptionnelles », n° 399829, « circonstances exceptionnelles » constituées par le très jeune âge de l’enfant).
Le Conseil d'État s'est par ailleurs prononcé sur la délicate question de la prise en charge des dépenses. Il a constaté que les prestations versées au titre de l’aide sociale à l’enfance sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours ou, à défaut, dans lequel ils résident au moment de leur demande d'admission à l'aide sociale (CASF, art. L. 122-1). Sur ce point, la compétence de l’État en matière d’hébergement d’urgence n'exclut pas l'intervention du département par la voie d’aides financières destinées à permettre temporairement l'hébergement des familles lorsque la santé des enfants, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation l'exigent (Cf. CASF, art. L. 222-3). La nature des prestations est ici identique ; plus particulièrement, les besoins des enfants ne font pas l’objet d’une appréciation différente selon la collectivité amenée à prendre en charge l’hébergement d’urgence de la famille. Pour cette raison et hors le cas des mineurs pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance, des femmes enceintes et des mères isolées avec un enfant de moins de trois ans, l’intervention du département ne revêt qu’un caractère supplétif pour palier une carence de l’État et assurer temporairement le logement de la famille. Intervenant dans le cadre d’une procédure d’urgence qui a précisément pour objet de prescrire à l’autorité principalement compétente les diligences à agir, cette intervention n’entraîne dans ce domaine aucune obligation à sa charge (CE sect., 13 juill. 2016, n° 400074, Min. des affaires sociales et de la santé c/ M. et Mme J. – constatant la compétence de principe de l’État, CE, 30 mars 2016, n° 382437). Il reste que lorsque l’intérêt des enfants commande une prise en charge spécifique, un département ne peut pas refuser à une famille l'octroi ou le maintien d'une aide entrant dans le champ de ses compétences au seul motif qu’il incombe en principe à l’État d’assurer l’hébergement. Cette prise en charge temporaire conserve un caractère supplétif et n’impose pas au département de prendre définitivement à sa charge des dépenses qui incombent à l’État. À défaut, les départements devraient supporter une dépense qui, par son ampleur, pourrait entraver leur libre administration et violer l’article 72 de la Constitution (CE sect., 13 juill. 2016, n° 388317, Département de Seine-Saint-Denis).