Code Lexis-Nexis édition 2017, C. étrangers, Livres 5 et 6
Dans un arrêt très faiblement motivé, la Cour de cassation a estimé qu’un étranger placé en retenue au titre de l’article L. 611-1-1 du Code des étrangers à 14 heures 50 pouvait être libéré à 17 heures 40 puis convoqué aux heures d’ouverture de la préfecture le lendemain afin de poursuivre les vérifications de sa situation dans le cadre d’une reprise de sa retenue (Cass. 1re civ., 1er févr. 2017, n° 16-14.700) ! Cet étranger s’était spontanément présenté, la lecture de l’arrêt ne permettant pas de suspecter une convocation déloyale qui n’aurait pas exposé tous les enjeux de la procédure. Il fut ensuite placé en rétention administrative sans que la légalité de ce placement ait contestée par le juge des libertés et de la détention et alors même que l’absence de risque de fuite était de facto établie au motif (dès lors imparable) que la durée maximale de seize heures de retenue n’avait pas été dépassée.
Pour justifier l’« interruption temporaire » de la retenue, la Cour de cassation relève que cette mesure « était intervenue pour rendre effectives les vérifications administratives concernant le droit de circulation et de séjour de l’intéressé, dans l’intérêt de celui-ci ». La curiosité invite à questionner la Cour car on ne saisit pas bien quel pourrait être cet « intérêt » et, pour tout dire, l’intérêt d’un étranger de se présenter spontanément pour poursuivre une retenue qui porte bien mal son nom.
On s’étonnera par ailleurs que la Cour de cassation se soit abstenue de pointer une contradiction majeure de l’administration dans l’affaire jugée le 1er février 2017. Le dispositif de retenue administrative a été crée en 2012 lorsque la Cour de cassation, s’en remettant à une lecture stricte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, a prohibé toute garde à vue d'un étranger que l'on soupçonne d’être en situation irrégulière en l'absence de délit susceptible de justifier un tel placement (Cass. crim., avis, 5 juin 2012, n° 11-19.250 et Cass. 1re civ., 5 juill. 2012, n° 11-30.371). À peine plus de quatre ans plus tard, la retenue est livrée aux aléas des heures d’ouverture de la préfecture alors qu’elle devait autoriser une privation de liberté de circulation durant 16 heures pour contrôler la régularité du séjour, prélude à une rétention et à un éloignement forcé.
Ironie de l’histoire, le rapporteur, le député Yann Galut avait pourtant justifié le dispositif de retenue au motif que « la procédure d’audition, prévue à l’article 62 du code de procédure pénale, (était) inappropriée, car elle exclut le recours à toute mesure de contrainte. » (rapport Ass. nat. n° 463, 28 nov. 2012, p. 19)