Code Lexis-Nexis édition 2018, C. étrangers, Livre 2 et Annexe 6
Les autorités publiques ont procédé en octobre 2016 à l'expulsion et à la réorientation vers des centres d'accueil des migrants qui s'étaient installés dans des campements précaires dans la périphérie de Calais et plus particulièrement 1 500 mineurs isolés qui ont été orientés vers des centres d'hébergement dédiés. Dans ce contexte, le ministre de la Justice a adressé aux procureurs le 1er novembre 2016 une circulaire relative à l’orientation de ces mineurs. Il était prévu que ces derniers seraient accueillis pendant trois mois puis orientés vers le Royaume-Uni ou, à défaut, vers le dispositif départemental de protection de l'enfance. Saisi de la légalité de la circulaire, le Conseil d'État a rappelé que les autorités du département devaient par principe garantir l'hébergement et les besoins des mineurs confiés au service de l'aide sociale à l'enfance et, en cas d'urgence, procéder à leur accueil provisoire en vue d'évaluer leur situation avant de saisir l'autorité judiciaire. Dans le même temps, les autorités de police administrative générale sont « garantes du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité humaine » et doivent veiller au respect du droit à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants. Sur ce fondement, l’État est fondé à intervenir si, du fait de l'ampleur et de l'urgence des mesures à prendre, le département est manifestement dans l'impossibilité d'exercer sa mission de protection des mineurs. Dans le cas présent, la prise en charge des mineurs excédait clairement les capacités d'accueil du service de l'aide sociale à l'enfance du Pas-de-Calais. Pour cette raison, l’État pouvait mettre en place des centres d'accueil pour garantir un hébergement sécurisé des mineurs, satisfaire leurs besoins médicaux et psychologiques et les accompagner dans leurs démarches. En se bornant à présenter le dispositif, la circulaire n’était pas entachée d’illégalité. Elle pouvait également prévoir des modalités de sortie du dispositif dérogatoire et indiquer qu'à l'issue d’une phase d’évaluation de l’âge et de la situation d'isolement, le procureur de la République pouvait prendre une ordonnance de placement provisoire. Pour justifier un placement provisoire dans un centre dans l'attente d’une orientation vers un dispositif d'aide sociale à l'enfance, le Conseil d'État a estimé que ces mesures limitées dans le temps étaient requises par le caractère exceptionnel de la situation. Si la circulaire recommandait un maintien dans les centres, elle en réservait l'hypothèse à une situation de danger au sens des articles 375 et suivants du Code civil et ne fixait donc pas des critères nouveaux pour la mise en oeuvre des procédures de placement par le parquet (CE, 8 nov. 2017, n° 406256).