Code Lexis-Nexis édition 2020, C. étrangers, livres 3 et 7 et Droit des étrangers (Lexis-Nexis), p. 486
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’augmentation des droits d’inscription à l’université (l’arrêté du 19 avril 2019 prévoyait des droits pour les « étudiants en mobilité internationale » de 2 770 euros pour une licence et 3 770 euros pour un master), le Conseil constitutionnel avait interprété de manière inédite le treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui prévoit que « La Nation garantit l’égal accès […] de l’adulte à l’instruction […] L’organisation de l’enseignement public gratuit […] à tous les degrés est un devoir de l’État » (Cons. const., 11 oct. 2019, déc. n° 2019-809 QPC). Il avait étendu le périmètre de cette disposition à l’enseignement supérieur en estimant que « l’exigence constitutionnelle de gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public ». Sans doute, cette exigence n’interdit pas une contribution des usagers. Toutefois, ces « droits d’inscription [doivent être] modiques » et perçus en tenant compte « des capacités financières des étudiants ».
Cette notion de modicité a fait l’objet d’une interprétation toute singulière par le Conseil d'État (CE, 1er juill. 2020, n° 430121, UNEDESEP et autres). Le « caractère modique des frais d’inscription » doit être apprécié au regard du coût des formations et des exonérations accordées pour que les frais perçus « ne fassent pas obstacle, par eux-mêmes, à l’égal accès à l’instruction ».
Pour apprécier cette exigence, il a été observé que le coût annuel moyen d’une formation avait été évalué à 10 210 euros par la Cour des comptes en novembre 2018 et 9 660 euros par un rapport d’information de l’Assemblée nationale du 13 mars 2019. Il en a été déduit que les frais d’inscription à la charge des étudiants en mobilité internationale ne représenteraient pour la licence que 30 % du coût total et 40 % pour un master, cette proportion étant corrigée par des exonérations totales ou partielles accordées sur décision du ministre des Affaires étrangères ou du président d’établissement. Sur cette base à bien des égards discutables (le coût d’un diplôme varie considérablement entre les filières et les années d’étude), il en a été conclu que l’arrêté n’avait pas méconnu les exigences du treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
Le Conseil d'État n’a par ailleurs pas décelé une méconnaissance du principe d’égalité entre usagers du service public. Le gouvernement peut en effet fonder une modulation des droits d’inscription au regard des objectifs du service public de l’enseignement supérieur, parmi lesquels figure celui de former les individus susceptibles de contribuer à la vie économique, sociale, scientifique et culturelle de la nation et à son développement. Sur cette base, il peut distinguer la situation des étudiants français ou étrangers ayant vocation à être durablement établis sur le territoire national de celle des étudiants étrangers venus en France spécialement pour s’y former. La différence de traitement qui en résulte a été jugée en rapport avec cette différence de situation et n’est pas apparue manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. De manière particulière, le Conseil a écarté un argument de bon sens selon lequel l’augmentation des droits d’inscription applicables aux étudiants en mobilité internationale ne permettrait pas d’améliorer l’attractivité de la France et ne constituerait pas un levier de financement pour l’enseignement supérieur. Sans autre explication, il a été objecté que l’arrêté du 19 avril 2019 n’était pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation.