Code Lexis-Nexis édition 2021, C. étrangers, Livre 7 et Annexe 2 et Droit des étrangers, partie 4, § 1787 (Lexis-Nexis)
Pour apprécier la violation du droit à ne pas subir de peines et traitements inhumains ou dégradants résultant d’un placement en rétention administrative de mineurs accompagnés, trois facteurs sont mobilisés : l’âge des enfants ; l’adaptation des locaux à leurs besoins spécifiques ; la durée de leur rétention. Posés en 2012 à l'occasion de l'affaire Popov, ces facteurs ne sont pas remis en cause lorsque l’enfant est accompagné de ses parents durant la période de rétention et n’exonèrent donc pas les autorités des obligations positives découlant de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans une affaire jugée le 22 juillet 2021, un nourrisson de quatre mois avait été placé avec sa mère en rétention (CEDH, 22 juill. 2021, n° 57035/18, M.D. et A.D. c/ France). La Cour européenne des droits de l'homme a constaté que le centre concerné, bien qu’habilité à recevoir des familles, était situé à proximité des pistes de l’aéroport. Les personnes étaient ainsi exposées à de sérieuses nuisances sonores et séparées des autres étrangers retenus par un brise-vue et un simple grillage. En outre, le centre ne proposait que des équipements pour enfants sommaires et largement inadaptés aux besoins d’un nourrisson. Concernant le critère de la durée de privation de liberté, en l’espèce limitée, la Cour a rappelé la répétition et l’accumulation des effets engendrés par une privation de liberté entraînent des conséquences néfastes sur un jeune enfant. Les diligences requises pour exécuter au plus vite un transfert peuvent donc s’avérer insuffisantes, un refus d’embarquement n’étant pas déterminant pour apprécier le seuil de gravité à l’égard d’un enfant. Dans le contexte, la rétention d’un nourrisson de quatre mois pendant onze jours qui n’a pris fin qu’à la suite d’une mesure provisoire prononcée par la Cour est excessive et constitutive d’une violation de l’article 3 de la Convention.
La Cour a également rappelé les exigences de l’article 5 § 1 de la Convention : toute privation de liberté doit avoir respecté « les voies légales » et été « régulière ». En principe, il en est ainsi d’une rétention dès lors qu’une procédure d’éloignement est en cours et que cette mesure est prononcée aux fins de son exécution. Si sa nécessité au but poursuivi n’a pas à être envisagée par la Cour, il en est autrement quand un enfant est en cause. Saisie d’une rétention impliquant un nourrisson de quatre mois, la Cour a observé que le préfet avait certes envisagé une mesure moins restrictive que le placement en rétention. Mais il avait finalement écarté une assignation à résidence en raison d’un risque de fuite déduit d’un refus d’exécuter une procédure de transfert. La Cour a dès lors estimé que le préfet et le juge des libertés et de la détention n’avaient pas effectivement vérifié que le placement initial en rétention puis sa prolongation constituaient des décisions de dernier ressort non substituables par une mesure moins restrictive. Elle a également dénoncé une violation de l’article 5 § 4 qui garantit à une personne le droit de faire contrôler sa détention sous l’angle du droit interne et de la convention au regard des buts prévus par cet article. Si la Cour n’a pas à substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité locale, elle opère sur ce point un « contrôle assez ample » (§ 97). Le seul constat des conditions d’accueil des familles est ainsi insuffisant s’il n’est pas opéré un contrôle des conditions concrètes des privations de liberté d’un nourrisson. De même, le juge des libertés et de la détention ne peut pas se borner à prendre acte qu’il n’existe aucune solution d’hébergement et que la famille ne remplit pas les conditions d’assignation à résidence. Le maintien en rétention doit par ailleurs être motivé au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, ainsi que l’exige le droit français.