Code Lexis-Nexis édition 2023, C. étrangers, Livre 5 et Droit des étrangers (Lexis-Nexis), éd. 2022, § 2005
La Cour nationale du droit d'asile a retenu le 7 juin 2022 une nouvelle définition de l’objection de conscience comme motif d’admission au statut de réfugié. S’appuyant sur la résolution n° 1998/77 de la commission des droits de l’homme des Nations unies du 2 avril 1998 et sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour définit l’objection de conscience comme « une réelle conviction personnelle, revêtant un degré avéré de force ou d’importance, de cohérence et de sérieux pour la personne concernée de s’opposer à tout combat, motivée par un conflit grave et insurmontable entre l’obligation de service dans l’armée et sa propre conscience ou ses propres convictions sincères et profondes, notamment de nature politique, religieuse, morale ou autre ».
Pour évaluer une demande de protection fondée sur un tel motif, le demandeur d’asile doit fournir des éléments pertinents relatifs à sa situation personnelle au regard de ses obligations militaires dans son pays d’origine et « expliciter de manière crédible, c’est-à-dire avec précision, cohérence et vraisemblance, l’importance que revêtent pour lui les convictions, raisons ou motifs qui fondent son objection, ainsi que leur incidence sur son incapacité à effectuer le service militaire. » À cette occasion, l’intéressé doit être en mesure d’apporter des « informations étayées et personnalisées sur la nature des raisons invoquées, les circonstances dans lesquelles il est venu à les adopter et la manière dont ses convictions s’opposent selon lui à ce qu’il effectue son service militaire ».
Faisant application de ces principes à un objecteur de conscience kurde en Turquie, la Cour a pris acte que le droit turc ne prévoyait aucune alternative au service militaire obligatoire hormis une possibilité d’exemption contre une somme d’argent. Dans le même temps, elle a constaté que les déclarations de l’intéressé ne permettaient pas de justifier l’existence de convictions pouvant caractériser une objection de conscience et qu’aucune source disponible ne faisait état d’une participation des forces de sécurité turques à des actions militaires constitutives de violations graves du droit international humanitaire, pénal ou relatif aux droits humains au sens de l’article 12 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 et de l’article 1er, F de la convention de Genève de 1951. Elle a par ailleurs observé que le requérant devait être affecté dans une province éloignée des zones d’affrontement entre l’armée et les séparatistes kurdes. De même encore, l’intéressé ne s’exposait pas à des mesures, poursuites ou sanctions disproportionnées ou discriminatoires au sens de l’article 9 de la directive 2011/95/UE du fait de son refus de servir. Le code pénal turc sanctionne en effet l’insoumission ou la désertion essentiellement par des amendes administratives, les peines d’emprisonnement étant rarement appliquées et revêtant un caractère général, impersonnel et proportionné. Il a enfin été jugé que le refus de servir ne répondait à aucune des causes d’octroi de la protection subsidiaire en l’absence de discriminations et de mauvais traitements significatifs et systématiques lors de l’accomplissement du service militaire et en l’absence d’une situation de violence aveugle résultant d’un conflit armé en Turquie (CNDA, Gde formation, 7 juin 2022 n° 21042074).