Présentation sommaire du projet de loi délibéré lors du conseil des ministres du 4 juillet 2007 (sur la réforme, consulter http://www.cnhi-demission.com).
1) L’article 11 du projet modifie l’article L. 111-10 du code des étrangers pour prévoir que le rapport annuel remis au Parlement doit rendre compte du nombre de contrats d’accueil et d’insertion signés, des actions entreprises au niveau national pour favoriser l’intégration des étrangers en situation irrégulière (accès à l’emploi, au logement, à la culture…) et du nombre d’acquisitions de la nationalité française.
2) En abrogeant le dernier alinéa de l’article L. 211-2-1 du code des étrangers, l’article 4 du projet revient de manière regrettable sur un acquis de la loi du 24 juillet 2006 qui permettait à la préfecture de délivrer un visa de long séjour au conjoint de Français. Il lui est était évité de retourner dans son pays. Toutefois, les titulaires d’une carte de séjour délivrée à un autre titre (étudiant, visiteur…) pourront changer de statut sans avoir à solliciter un visa. Le même article complète le deuxième alinéa de l’article L. 211-2-1 pour prévoir le principe d’une formation dans le pays de résidence du conjoint. Cette formation portera sur la connaissance du français et les " valeurs de la République " censés " préparer son intégration républicaine dans la société française ". La formation, qui ne pourra pas excéder deux mois, conditionnera la délivrance du visa. En effet, celui-ci sera remis au vu d'une attestation de suivi de cette formation. Les modalités d'application de ces dispositions seront fixées par un décret en Conseil d’Etat qui devra notamment préciser le délai au terme duquel naît une décision implicite de rejet de la demande de visa. Le délai de deux mois qui prévaut normalement n’a donc pas été retenu.
3) L’article 6 du projet tire les conséquences de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme du 26 avril 2007 (affaire " Gebremedhin "). Dans une première version du projet de loi, il avait été décidé d’introduire, sur le modèle de la procédure applicable aux recours dirigés contre les arrêtés de reconduite à la frontière, un recours suspensif au bénéfice des étrangers qui ont fait l’objet d’un refus d’entrée au titre de l’asile. Selon ce dispositif, le président du tribunal administratif devait être saisi dans les 24 heures d’un recours motivé en annulation et investi d’un effet suspensif automatique. Finalement, une solution plus minimaliste a été retenue, semble t-il à la demande des magistrats des tribunaux administratifs (C. étrangers, nouvel art. L. 213-9). Elle consiste à conférer un effet suspensif limité à 24 heures aux refus d’entrée opposés aux seuls candidats à l’asile ou, en cas de recours pendant ce bref délai, jusqu’à la décision du juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Un appel non suspensif pourra être déposé, le Conseil d’État devant alors statuer dans les 48 heures (Cf. CJA, art. L. 523-1). Les débats pourront être organisés par un moyen de communication audiovisuelle, sauf si l’étranger s’y oppose. En cas de recours en référé déposé dans les trois derniers jours du maintien en zone d’attente, celle-ci sera prorogée de trois jours (C. étrangers, art. L. 222-2. – projet de loi, art. 7).
4) L’article 3 du projet, sans doute le plus problématique, insère dans le code des étrangers un nouvel article L. 311-9-1 pour imposer la signature d’un contrat d’accueil et d’intégration aux bénéficiaires du regroupement familial par lequel ils s’obligent à suivre une " formation sur les droits et les devoirs des parents ". En cas de non respect de ce contrat, le préfet pourra saisir le président du conseil général en vue pour mettre en œuvre l’article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles. Introduit par la loi nº 2007-293 du 5 mars 2007, cet article se rapporte formellement à l'absentéisme scolaire et au trouble porté au fonctionnement d'un établissement scolaire. Il autorise le président du conseil général à proposer aux parents un contrat de responsabilité ou toute autre mesure d'aide sociale à l'enfance et, en cas de non-respect de ces obligations, de suspendre le versement des prestations afférentes à l'enfant, de saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ou d’alerter le juge des enfants. Dans cette dernière hypothèse, l’autorité judiciaire peut ordonner le versement des prestations familiales à un délégué qui prend alors toutes décisions liées à l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants et exerce une action éducative auprès de la famille (C. civ., art. 375-9-1). Un décret d’application devra préciser ce nouveau dispositif.
5) L’article 12 du projet complète l’article L. 313-10, 5° du code des étrangers pour renforcer le droit de séjour ouvert par la loi du 24 juillet 2006 en faveur du travailleur détaché par un employeur établi hors de France. Désormais, l’administration ne pourra plus lui opposer " la situation de l’emploi " (Cf. C. trav., art. L. 341-2).
6) L’article 5 du projet modifie l’article L. 313-11, 7° du code des étrangers pour prévoir que " l’insertion de l’étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de son degré de connaissance de la langue et d’énigmatiques " valeurs de la République. " Faisant écho à la loi du 24 juillet 2006 qui avait inscrit à l’article L. 313-11, 7° les considérations tirées de l’" insertion dans la société française ", ce nouvel élément renforce, s’il en était encore besoin, le pouvoir de l’administration pour apprécier la réalité de la vie privée et familiale.
7) L’article 2 du projet modifie la dernière phrase de l’article L. 411-5 du code des étrangers pour prévoir que les ressources du candidat au regroupement familial doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demande. Ce montant ne peut être inférieur au salaire minimum de croissance mensuel, ni supérieur à ce salaire majoré d’un cinquième. Jusqu’à présent, ce montant devait au moins être égal au salaire minimum de croissance mensuel.
8) L’article 1er du projet, également problématique, insère un nouvel article L.411-8 dans le code des étrangers pour imposer aux bénéficiaires du regroupement familial âgés de plus de seize ans un apprentissage du français et des " valeurs de la République ". Le cas échéant, une formation de deux mois pourra être organisée. Le bénéfice du regroupement familial sera alors être accordé au vu d’une attestation de suivi de cette formation dont les modalités devront être précisées par un décret d’application. L’exposé des motifs du projet de loi motive cette nouvelle exigence au regard de la directive n° 2003/86 du 22 septembre 2003. Son article 7-2 renvoie toutefois simplement à une possibilité et non à une obligation d’imposer des mesures d’intégration. Sur ce point, la réforme ne s’inscrit donc nullement dans un cadre d’un rapprochement des législations.
9) L’article 13 du projet ne supprime pas la possibilité pour la personne placée en rétention administrative de s’opposer à l’organisation d’audiences effectuées par des moyens audiovisuels. Toutefois, alors que l’intéressé devait jusqu’alors autoriser une visio-conférence, le projet prévoit que l’étranger doit manifester une opposition à ces modalités d’audience. Une première version du projet prévoyait que la viso-conférence dépendrait de la seule décision du juge des libertés et de la détention.
10) L’article 9 du projet modifie l'article L. 721-1 du code des étrangers pour confier la tutelle de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides au " ministre chargé de l'asile ", c'est-à-dire au ministre de l'immigration, de l’intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement (pour le changement de désignation voir égal. C. étrangers, art. L. 722-2 et L. 722-4). La réforme rompt avec une tradition qui, depuis 1951, confiait la tutelle au ministre des Affaires étrangères. Surtout, elle suggère une relation entre le droit des étrangers et le droit de l’asile politique, c’est-à-dire entre une police administrative qui repose sur un très fort pouvoir d’appréciation de l’autorité et un droit conçu pour garantir l’effectivité d’une liberté protégée par la Constitution et la convention de Genève du 28 juillet 1951. Dans le même ordre d’idées, l’article 9 du projet modifie l'article L. 722-2 du code des étrangers pour confier au ministre de l'immigration le soin de nommer conjointement avec le ministre des Affaires étrangères le directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (V. égal. C. étrangers, nouvel art. L. 722-4 confiant au ministère de l'immigration la garde des dossiers des demandeurs d'asile déboutés).
11) L’article 10 du projet prend acte de la jurisprudence qui considère qu’un refus de séjour peut être opposé à un étranger dès la notification du rejet définitif d’une demande d’asile, le refus abrogeant l’autorisation de séjour provisoire (par exemple CAA Bordeaux, 7 févr. 2007, req. n° 06BX01935, Muthukkumaru X). Modifiant l’article L. 742-3 du code des étrangers, le projet prévoit un placement en rétention administrative.
12) L’article 14 du projet modifie plusieurs articles du code des étrangers pour tirer les conséquences de la mise en place d’un ministre de l’intégration (notamment art. L. 313-14 pour lui permettre de tirer les conséquences de l’avis de la commission chargée d’exprimer un avis sur les critères d'admission exceptionnelle au séjour ; art. L. 315-3 pour lui confier le soin de délivrer la carte " compétences et talents ".
13) Enfin, les articles 15 à 18 se rapportent à l’outre-mer pour corriger des erreurs matérielles de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 et tenir compte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, de la création d’un conseil territorial (LO n° 2007-223, 21 févr. 2007).