Code Lexis-Nexis 2016, C. étrangers, art. L. 213-2, L. 313-11, L. 314-9, R. 553-3 et R. 553-6
L'ordonnance du 7 mai 2014 a étendu mais également adapté à Mayotte l’application du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le Conseil d'État en a validé les dérogations (CE, 22 juill. 2015, n° 381550, GISTI et autres). C’est à ce titre que l’ordonnance pouvait tenir en échec la règle selon laquelle l'étranger faisant l'objet d'un refus d'entrée peut demander le report de son exécution pendant un jour franc (C. étrangers, art. L. 213-2). Cette dérogation ne méconnaît pas les articles 7 et 35 de la directive du 1er décembre 2005 relative à la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié au motif que les demandeurs d'asile faisant l'objet d'un refus d'admission au titre de l'asile à la frontière mahoraise ne disposeraient d'aucune garantie permettant de faire obstacle à leur éloignement avant l'examen de leur demande. Le Conseil d'État a ici relevé que l'article L. 213-9 du Code, applicable à Mayotte, prévoit que cette décision ne peut être exécutée qu'à l'expiration d'un délai 48 heures ou si besoin avant la décision du juge. Il s’est par ailleurs référé à l'insularité du territoire de Mayotte, à l'importance des flux migratoires et aux contraintes d'ordre public qui en découlent pour justifier l’obligation de justifier de moyens d'existence suffisants lorsque les parents et conjoints de ressortissants français sollicitent une carte de résident (C. étrangers, art. L. 314-9, 2° et 3°).
Le Conseil d'État a par ailleurs estimé que l’application du régime de l'identité législative prévu à l'article 73 de la Constitution depuis le 31 mars 2011 (CGCT, art. LO 3511-1) ne faisait pas obstacle au maintien en vigueur à Mayotte des dispositions particulières antérieurement applicables, même lorsqu’elles excèdent la faculté d'adaptation permise par la Constitution. Tel est le cas de l’article L. 832-2 du Code des étrangers qui n'autorisent pas les détenteurs d’un titre de séjour délivré à Mayotte à entrer et séjourner en métropole et leur impose d’obtenir une autorisation spéciale de séjour qui prend la forme d’un « visa » dont la délivrance peut être refusée s’il existe un risque de maintien irrégulier et des motifs d'ordre public. Le maintien de cette spécificité locale n’a pas été jugé contraire au principe d'égalité et d'indivisibilité de la République et à la liberté d'aller et venir reconnue aux étrangers séjournant régulièrement sur le territoire français une atteinte disproportionnée (V. égal. pour la validité des dérogations au droit métropolitain, C. étrangers, art. L. 313-11, 2°, pour la délivrance d'une carte de séjour « vie privée et familiale » aux mineurs ayant résidé en France avec leurs parents, art. L. 611-8 et L. 611-9 pour les modalités de contrôle frontalier).
Une seconde décision rendue le même jour porte sur le décret du 23 mai 2014 qui étend et adapte l’application du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à Mayotte. Le Conseil d'État a confirmé les dérogations (CE, 22 juill. 2015, n° 383034, Cimade et autres). Si Mayotte relève du régime de l'identité législative prévu par l'article 73 de la Constitution, le pouvoir réglementaire pouvait prévoir des mesures d'adaptation pour tenir compte de l'organisation et de la situation locale. Sur ce fondement, il a justifié l’exclusion à Mayotte des articles R. 553-3 et R. 553-6 du Code des étrangers relatifs aux centres et locaux de rétention administrative pour respectivement trois et cinq ans. Pendant cette période transitoire, ces centres et locaux ne seront pas tenus d’offrir certaines garanties (surface minimale de 10 m2 par personne, chambres non mixtes comprenant au maximum six personnes, salle de loisirs, accès au téléphone, salle pour accueillir des visiteurs et les avocats) pendant la période de construction d'un centre de rétention. Il a cependant été relevé que, pendant cette période transitoire, les exigences qui découlent des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impliquent que les conditions de rétention ne portent pas atteinte à la dignité humaine et à la vie privée et familiale des intéressés. Cette dernière exigence implique notamment la mise à disposition d'une salle pour recevoir les familles. Par ailleurs, l'exercice des droits implique nécessairement un accès au téléphone. Enfin, si le décret ne rappelle pas l'obligation d'installer un local réservé aux avocats, cette obligation est mentionnée par l'article R. 533-7 du Code des étrangers qui prévoit l’existence d’une salle préservant la confidentialité des entretiens et accessible en toutes circonstances, sauf en cas de force majeure, sur simple requête de l'avocat. Pour le Conseil d'État, ces dérogations « mineures et limitées dans le temps » au droit commun n’excèdent pas les limites des adaptations tenant aux caractéristiques et aux contraintes particulières de Mayotte et ne portent pas atteinte à aux articles 16 § 2 et 17 de la directive Retour du 16 décembre 2008 (contact des personnes retenus avec les membres de leurs familles et les autorités consulaires, garanties d'intimité familiale, accès des mineurs à des activités).
Le Conseil d'État a par ailleurs écarté le grief tiré de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit à un recours effectif qui avait été soulevé pour contester l'extension à Mayotte du régime applicable à la Guyane et à Saint-Martin lorsqu’un recours est engagé contre une obligation de quitter le territoire (C. étrangers, art. L. 514-1). Selon ce régime, ce recours est dépourvu de caractère suspensif. Le Conseil d'État a simplement constaté que les requérants pouvaient saisir le juge des référés. Nuance importante, il a relevé que les exigences attachées au droit au recours effectif garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impliquait que l'éloignement forcé soit différé jusqu'à ce que le juge des référés ait informé les parties de la tenue d'une audience ou, si tel est le cas, jusqu'à ce qu'il ait statué pour permettre aux requérants d’être à même d'exercer leur recours. Il est ici observé le ministre de l'Intérieur a prescrit au préfet de Mayotte de se conformer à cette exigence par une note du 3 avril 2013.