Code Lexis-Nexis édition 2017, C. étrangers, Livre 5 et Annexe 3
La Cour européenne des droits de l'homme a confirmé de manière spectaculaire son arrêt « Popov c/ France » en condamnant la France le 13 juillet 2016 dans cinq affaires très proches (CEDH, 12 juil. 2016, n° 11593/12, B. et autres c/ France et du même jour n° 24587/12, 76491/14, n° 68264/12 et n° 33201/11. - CEDH, 19 janv. 2012, n° 39472/07 et 39474/07, Popov c/ France, § 100 et égal. CEDH, 19 janv. 2010 , n° 41442/07, Muskhadzhiyeva c/ Belgique).
Cette condamnation repose à titre principal sur la violation du droit à ne pas subir de peines et traitements inhumains ou dégradants (Conv., art. 3). Dans l’affaire n° 11593/12, il a ainsi été observé que le centre était habilité à recevoir des familles et comportait des équipements dédiés (aile séparé, matériel de puériculture, jeux, etc.). Il était toutefois construit en bordure immédiate des pistes de l’aéroport de Toulouse-Blagnac et, pour cette raison, exposé à des nuisances sonores importantes (§ 113, « intensité excessive »). Le contexte du centre soulevait également des problèmes spécifiques (obligation pour les enfants d’assister avec leurs parents à tous les entretiens, contact avec des policiers armés, bruit, etc.). Pour ces raisons, il a été conclu que la répétition et l’accumulation de telles agressions psychiques et émotionnelles dépassaient le seuil de gravité et révélaient un traitement inhumain (§ 114).
La Cour a également dénoncé une violation du droit au recours des enfants (Conv., art. 5, § 1 f). La Convention limite la privation de liberté au cas d'arrestation ou de détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire ou contre laquelle une procédure de départ forcé est en cours. Certes, le principe d’une privation de liberté est admis pour ne pas séparer des enfants de leurs parents. Cette situation n’est toutefois conforme à l’article 5 § 1 f) qu’à la condition que les autorités s’assurent qu’aucune solution moins attentatoire à la liberté ne peut être mise en œuvre. Or, tel n’avait clairement pas été le cas (§ 124).
La Cour a enfin condamné la France pour violation du droit au respect de la vie privée et familiale des enfants. Sans doute, le fait pour les parents et les enfants de ne pas être séparés au cours de la mise à exécution de la mesure de départ forcé garantit l'effectivité de la vie familiale. Toutefois, le maintien de la cellule familiale ne garantit pas nécessairement le respect du droit à une vie familiale si la privation de liberté se prolonge (§ 145). Pour en admettre le principe, une telle ingérence dans l’exercice de la vie privée et familiale doit poursuivre un but légitime (§ 148, protection de la sécurité nationale, de la défense de l’ordre, du bien-être économique du pays et de la prévention des infractions pénales). Elle doit par ailleurs être justifiée par un besoin social impérieux et proportionné au but poursuivi. Sur ce point, un équilibre doit être trouvé pour concilier la protection des droits fondamentaux, notamment l’intérêt supérieur de l’enfant, et les impératifs d’une politique d’immigration. Précisément, la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et plusieurs directives européennes imposent aux États d’accorder une place d’importance à cet « intérêt supérieur de l’enfant » qui implique de maintenir l’unité familiale et de ne recourir à la détention des mineurs qu’en dernier ressort (§ 153). Dans le cas présent, le risque de fuite et l’impossibilité de dégager une solution alternative n’étaient pas établis (ibidem, § 154). Il a ainsi été observé que la famille était hébergée depuis plusieurs années dans un foyer pour demandeurs d’asile et qu’une assignation dans un hôtel pouvait être envisagée. Par ailleurs, l’Administration n’avait pas mis en œuvre toutes les diligences nécessaires pour exécuter au plus vite la mesure de départ et limiter le temps d’enfermement. Ainsi, pendant 18 jours aucun vol n’avait été organisé et aucun laissez-passer consulaires n’avait été obtenu. Dès lors, en l’absence de risque particulier de fuite, la rétention est apparue disproportionnée par rapport au but poursuivi.