Code Lexis-Nexis édition 2018, C. étrangers, Livre 5
Dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, l’article L. 561-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet au préfet d'assigner à résidence l'étranger qui est dans l'impossibilité de quitter le territoire, de regagner son pays d'origine ou de se rendre dans un autre pays. Cette assignation est prononcée pour six mois, renouvelable une fois, « jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet ». Aucun délai n’est toutefois prévu pour les étrangers visés par une interdiction judiciaire du territoire ou un arrêté d'expulsion. Plus encore, la loi ne prévoit pas un réexamen périodique de la situation et n’organise pas un recours effectif contre la décision d'assignation. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel n’a pas contesté le principe de ce régime qui permet d’« éviter que puisse librement circuler sur le territoire national une personne non seulement dépourvue de droit au séjour, mais qui s'est également rendue coupable d'une infraction ou dont la présence constitue une menace grave pour l'ordre public » (consid. 8). Pour cette raison, le législateur pouvait ne pas fixer de durée maximale à l'assignation à résidence compte tenu de la menace à l'ordre public que représente l’étranger concerné ou assurer l'exécution d'une décision de justice. Pour le Conseil, le maintien d'un arrêté d'expulsion, en l'absence de son abrogation, atteste de la persistance de la menace à l'ordre public. En revanche, si l’assignation à résidence après le prononcé de l'interdiction du territoire peut être justifié par la volonté d'exécuter une condamnation, le législateur devait imposer au préfet de justifier de circonstances particulières pour maintenir l'assignation à résidence au-delà d’une certaine durée. Pour cette raison, le Conseil a estimé que l'article L. 561-1 du Code des étrangers portait une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir. Il devra être remédié à cette inconstitutionnalité avant le 30 juin 2018. Par ailleurs, parce que la durée indéfinie de l’assignation à résidence en accroît la rigueur, il a été imposé au préfet de retenir des conditions et des lieux d'assignation à résidence tenant compte du temps passé sous ce régime et des liens familiaux et personnels noués par ce dernier.
Pour le reste, le Conseil constitutionnel a validé le dispositif. Il a ainsi observé que l’absence de décision de renouvellement de l'assignation à résidence n’interdisait pas de solliciter la levée de la mesure pour permettre un réexamen de la situation à cette occasion et de contester devant le juge administratif les modalités de l'assignation pour obtenir, si besoin, un amoindrissement des contraintes. Tout au plus, a t-il concédé dans une réserve d’interprétation que la plage horaire de l’assignation ne devait pas dépasser douze heures par jour. Dans le cas contraire, l'assignation à résidence prendrait la forme d’une mesure privative de liberté contraire aux exigences de l'article 66 de la Constitution dans la mesure où elle n'est pas soumise au contrôle du juge judiciaire. Sur ce point, la seule prolongation dans le temps de l’assignation n'a pas pour effet de modifier sa nature et de la rendre assimilable à une mesure privative de liberté (Cons. const. 30 nov. 2017, déc. n° 2017-674 QPC, Kamel D.)