Code Lexis-Nexis édition 2018, C. étrangers, Livres 5 et 7
Suivant l’article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale, un État peut placer en rétention un candidat à l’asile dont la demande ne relève pas de sa compétence pour garantir les procédures de transfert lorsqu'il existe un « risque non négligeable de fuite ». Les États doivent toutefois fixer des critères objectifs permettant d’apprécier les raisons de craindre une fuite (CJUE, 15 mars 2017, Al Chodor, aff. C-528/15, § 45). S’en remettant à cette position, la Cour de cassation en a conclu que la rétention d’un demandeur d'asile en instance de transfert était prohibée (Cass. civ. 1ère, 27 sept. 2017, n° 17.15160). Cette décision rejoignait l’avis du Conseil d’État qui a estimé que l’article L. 742-2 du Code des étrangers s’opposait au placement en rétention avant la décision de transfert. Tout au plus, l’intéressé peut être assigné à résidence et placé en rétention après la notification de la décision de transfert (CE avis, 19 juill. 2017, n° 408919).
Pour surmonter cette situation, une proposition de loi a été adoptée en dernière lecture par l’Assemblée nationale le 15 février 2018. Selon le texte adopté, deux conditions cumulatives doivent être réunies pour justifier le placement en rétention : un « risque non négligeable de fuite » examiné sur la base d’une évaluation individuelle de la situation qui prendra en compte la vulnérabilité de la personne ; la proportionnalité de la mesure de rétention et l’impossibilité corrélative d’assigner à résidence (C. étrangers, art. L. 551-1, L. 554-1 et L. 741-1). Douze critères ont été retenus pour établir une présomption de « risque non négligeable de fuite » : antécédent de fuite dans un autre État membre, demande d’asile déjà refusée dans l’État membre responsable, présence en France après l’exécution effective d’une mesure de transfert, soustraction à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement, refuse de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales ou altération volontaire des empreintes, fraude documentaire, dissimulation d’information, absence de résidence effective ou permanente, refus de collaboration avec l’administration, antécédent de soustraction à une assignation à résidence, refus explicite de se conformer à la procédure de détermination de l’État responsable ou à la procédure de transfert. Pour tenir en échec l’avis du Conseil d'État du 19 juillet 2017, la proposition de loi autorise le placement en rétention d’un étranger avant toute décision de transfert, c'est-à-dire dès la phase de détermination de l’État responsable de l’examen de la demande d’asile (C. étrangers, art. L. 556-1).
La proposition harmonise en second lieu les régimes d’assignation à résidence des étrangers en instance de transfert. Sur ce point, elle porte de quatre à six jours la durée de validité de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention qui autorise des visites domiciliaires dans le cadre de l’assignation à résidence (C. étrangers, art. L. 561-2).
Elle codifie par ailleurs l’impossibilité de transférer un candidat à l’asile vers l’État responsable de l’examen de sa demande en cas de défaillances systémiques dans l’État considéré (C. étrangers, art. L. 742-7).
Enfin, le délai de contestation de la décision de transfert devant le juge administratif a été ramené de quinze à sept jours (C. étrangers, art. L. 742-4).
Dans un registre différent, la proposition a réformé le cadre des assignations à résidence des étrangers faisant l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire ou d’un arrêté d’expulsion. Le Conseil constitutionnel avait jugé le 30 novembre 2017 que l’article L. 561-1 du Code des étrangers portait une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir en ne prévoyant pas de limite à l’assignation à résidence d’un étranger dans l'impossibilité de quitter le territoire (Cons. const. 30 nov. 2017, déc. n° 2017-674 QPC). Le législateur devait remédier à cette inconstitutionnalité avant le 30 juin 2018. Selon la proposition, la décision d’assignation peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée. Toutefois, l’assignation peut être renouvelée tant que l’interdiction de retour ou l’interdiction de circulation sur le territoire français demeure exécutoire. De même, la durée maximale de six mois ne s’applique pas dans le cas d’un étranger faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion en application des articles L. 523-3 à L. 523-5 du Code des étrangers (impossibilité de quitter le territoire) ou d’une interdiction judiciaire du territoire. Dans ces deux cas de figure, au delà d’une durée de cinq ans, le maintien sous assignation à résidence devra faire l’objet d’une décision faisant état des « circonstances particulières justifiant cette prolongation au regard, notamment, de l’absence de garanties suffisantes de représentation de l’étranger ou si sa présence constitue une menace grave pour l’ordre public. » En retenant un cadre juridique aussi restrictif qui n’interdit nullement le principe d’une assignation à résidence illimitée, on ne saurait dire que les parlementaires ont totalement levé l’hypothèque d’une nouvelle invalidation par le Conseil constitutionnel.