Pour la première fois, se fondant sur l'article 2 de la Constitution (« La devise de la République est Liberté, Égalité, Fraternité ») mais également sur son préambule et son article 72-3 qui renvoient à l’« idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité », le Conseil constitutionnel a estimé que la fraternité était « un principe à valeur constitutionnelle ». Ce principe garantit « la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national. » Par cette formule aussi audacieuse qu’inattendue, le Conseil constitutionnel n’a cependant pas ruiné le principe d’une législation réprimant le délit d’aide au séjour irrégulier. Il a en effet été rappelé que la Constitution n'assurait pas aux étrangers un droit de séjour général et absolu et que l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière « participe de la sauvegarde de l'ordre public, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle. » Pour ces raisons, le législateur peut donc assurer la conciliation entre le principe de fraternité et la sauvegarde de l’ordre public. Contrôlant l’immunité pénale prévue à l'article L. 622-4, 3° du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le Conseil a relevé que, selon les premiers alinéas des articles L. 622-1 et L. 622-4, toute aide apportée à un étranger pour faciliter son entrée ou sa circulation irrégulières étant sanctionnée pénalement quelles que soient la nature de cette aide et la finalité poursuivie. Toutefois, l’aide apportée à un étranger pour sa circulation sur le territoire français n'a pas nécessairement pour conséquence de faire naître une situation illicite, à la différence de celle apportée à son entrée. Sur ce point, le Conseil a éludé la question du délit de maintien irrégulier sur le territoire national (C. étrangers, art. L. 624-1). Institué en 2012 à la suite de l’abrogation du délit de séjour irrégulier, son maintien pourrait sérieusement être débattu à l’occasion d’une prochaine question prioritaire de constitutionnalité. En réprimant toute aide apportée à la circulation de l'étranger en situation irrégulière, y compris si elle constitue l'accessoire de l'aide au séjour et si elle est motivée par un but humanitaire, le Conseil a estimé que législateur n'avait pas assuré une conciliation équilibrée entre le principe de fraternité et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. En conséquence, il a estimé que le premier alinéa de l'article L. 622-4 du Code des étrangers était contraire à la Constitution. Il n’a en revanche pas jugé que la limitation de l’immunité pénale aux seuls actes de conseils juridiques, de prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes et aux actes visant à préserver la dignité ou l'intégrité physique de l'étranger méconnait le principe de fraternité. Dans une réserve d’interprétation, il a simplement été relevé que l’immunité s'appliquait « en outre à tout autre acte d'aide apportée dans un but humanitaire ». Parce que l'abrogation immédiate du dispositif contesté aurait pour eu pour effet d'étendre les exemptions pénales prévues par l'article L. 622-4 du Code des étrangers aux actes tendant à faciliter ou à tenter de faciliter l'entrée irrégulière sur le territoire français, le Conseil a reporté les effets de sa décision au 1er décembre 2018. Afin de faire cesser l'inconstitutionnalité immédiatement, l’immunité pénale prévue à l'article L. 622-4, 3° s'appliquera également aux actes tendant à faciliter ou à tenter de faciliter la circulation constituant l'accessoire du séjour d'un étranger en situation irrégulière en France si ces actes sont réalisés dans un but humanitaire (Cons. const., déc. 6 juill. 2018, n° 2018-717/718 QPC).