Code Lexis-Nexis édition 2020, C. étrangers, livre 3 et Droit des étrangers (Lexis-Nexis), p. 203 suiv.
Un arrêt de section du Conseil d'État du 12 juin 2020 bouleverse la nébuleuse des actes susceptibles de recours pour excès de pouvoir. Abandonnant la distinction entre les circulaires, mesures d’ordre intérieur et lignes directrices, l’arrêt emprunte la voie ouverte par la jurisprudence « Fairvesta » (ass., 21 mars 2016, n° 368082) pour considérer que les documents de portée générale émanant d'autorités publiques (matérialisés ou non) tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des « effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés de les mettre en œuvre ». Ont « notamment » de tels effets les documents qui ont un « caractère impératif » ou présentent des « lignes directrices ». Saisi d’un recours, le juge de l’excès de pouvoir doit tenir compte de la nature et des caractéristiques du document en cause et du pouvoir d'appréciation de son auteur. Le document est « notamment » annulé s'il fixe une règle nouvelle entachée d'incompétence, si l'interprétation du droit positif qu'il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s'il est pris en vue de la mise en œuvre d'une règle contraire à une norme supérieure.
La section du Conseil d'État s’est prononcée sur le statut de la « note d'actualité » du 1er décembre 2017 de la police aux frontières qui avait diffusé une information relative à l'existence d'une « fraude documentaire généralisée en Guinée (Conakry) sur les actes d'état civil et les jugements supplétifs ». Elle préconisait en conséquence aux agents de formuler un avis défavorable pour toute analyse d'un acte de naissance guinéen. Compte tenu de ces effets notables sur la situation des ressortissants guinéens, le recours pour excès de pouvoir a été admis.
Cette note de portée générale n’a pas été assimilée à une « décision » au sens de l'article L. 212-1 du Code des relations entre le public et l'administration relatives à la signature des décisions et aux mentions relatives à leur auteur.
Par ailleurs, alors que l'article 47 du Code civil dispose qu’un acte d'état civil émanant d’un État étranger fait foi, sauf s’il est irrégulier, falsifié ou factuellement erroné, il a été observé que la note préconisait l'émission d'un avis défavorable pour toute analyse d'acte de naissance guinéen et en suggérait à ses destinataires la formulation. Elle n’interdisait toutefois pas de procéder à un examen au cas par cas des demandes émanant de ressortissants guinéens et d'y faire droit si besoin. Le Conseil d'État ne l’a donc pas annulée (CE, sect., 12 juin 2020, n° 418142, GISTI).