1) Réforme de l’aide au développement. L’article 1er de la loi du 24 juillet 2006 institue un compte épargne codéveloppement qui permettra de recevoir l'épargne d'étrangers ayant la nationalité d'un pays en voie de développement et titulaires d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle pour financer des opérations dans leur pays d'origine (C. mon. et fin., art. L. 221-33). Les investissements concernés devront concourir au développement économique de ces pays (création, reprise ou participation dans des entreprises locales ; abondement de fonds destinés à des activités de microfinance ; acquisition immobilière ; rachat de fonds de commerce…). Les sommes versées sur le compte ouvriront droit à une déduction du revenu de 20 000 euros par personne (CGI, art. 163 quatervicies). Un comité examinera périodiquement la cohérence des projets ainsi financés avec les différentes actions de développement et formulera des recommandations aux ministres concernés.
2) Admission exceptionnelle au séjour. En application de l’article 32 de la loi du 24 juillet 2006, une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger pour des raisons " humanitaires " ou " des motifs exceptionnels " (C. étrangers, art. L. 313-14). La loi met en place une " Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour " chargée d’exprimer un avis sur les critères d'admission exceptionnelle au séjour et de présenter un rapport annuel.
3) Réforme des visas de long séjour. L’article 3 de la loi du 24 juillet 2006 pose, par principe, une obligation de visa de long séjour pour les bénéficiaires d’une carte de séjour temporaire (C. étrangers, art. L. 311-7). Seules quelques catégories d’étrangers en seront désormais dispensées : résidents de longue durée dans l’Union européenne (art. L. 313-4-1) ; certains étudiants et stagiaires (art. L. 313-7 et L. 313-7-2), résidents en France depuis au moins l’âge de treize ans (art. L. 313-11, 2°) ; parents d’enfants français (art. L. 313-11, 6°) ; étrangers régularisés au titre de leurs liens privés et familiaux (art. L. 313-11, 7°) ; personnes nées en France et y ayant effectué leur scolarité (art. L. 313-11, 8°) ; bénéficiaires d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle (art. L. 313-11, 9°) ; apatrides (art. L. 313-11, 10°) ; étrangers gravement malades (art. L. 313-11, 11°) ; membres de famille d’un résident de longue durée dans l’Union européenne admis au séjour en France (art. L. 313-11-1) ; bénéficiaires de la protection subsidiaire (art. L. 313-13) ; victimes d’un trafic de personnes (art. L. 316-1). La loi impose par ailleurs aux services consulaires de délivrer un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande de visa de long séjour. La loi précise enfin les conditions de délivrance des visas sollicités par un conjoint de Français qui ne pourront être refusés qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public, les autorités étant tenues de statuer " dans les meilleurs délais ". Le visa pourra être demandé par un étranger résidant déjà sur le territoire après y être entré régulièrement et marié en France avec un conjoint français avec lequel il séjourne depuis plus de six mois (C. étrangers, art. L. 211-2-1).
4) Réforme des conditions d’entrée et de séjour des étrangers en outre-mer. La loi du 24 juillet 2006 encadre sur plusieurs points les conditions d’entrée des étrangers en outre-mer. Son article 98 étend tout d’abord pendant cinq ans les dispositions de l'article L. 514-1 du code des étrangers à la Guadeloupe (C. étrangers, art. L. 514-2). Jusqu’alors, cet article qui tient en échec le régime contentieux applicable en métropole aux arrêtés de reconduite à la frontière se limitait à la Guyane et à la commune de Saint-Martin. Par ailleurs, l’article 99 de la loi ajoute le Venezuela à la liste des pays dont les ressortissants peuvent être éloignés d’office, avec leur accord, à partir de la Guyane, lorsqu’ils se livrent à la pêche illicite (C. étrangers, art. L. 532-1). Dans le même ordre d’idées, l’article 102 de la loi permet au procureur de la République d’ordonner, en Guyane la destruction immédiate des embarcations fluviales non immatriculées qui ont servi à commettre des infractions d’entrée et de séjour irrégulier. De même, le procureur de la République pourra ordonner en Guadeloupe et en Guyane la saisie immédiate et la destruction des véhicules terrestres ayant servi à commettre ces infractions (C. étrangers, art. L. 622-10. Enfin, l’article 113 de la loi autorise pour cinq ans le contrôle d’identité des personnes à Mayotte et en Guadeloupe dans des zones géographiques ciblées pour rechercher et constater les infractions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France (CPP, art. 78-2). La loi porte ainsi de quatre à huit heures les délais dont disposent les forces de l’ordre à Mayotte à compter d'une interpellation, pour procéder à la vérification d'identité. Selon la même logique, l’article 101 de la loi autorise les contrôles dans une zone frontalière en Guadeloupe et à Mayotte (C. étrangers, art. L. 611-10 et L. 611-11).
5) Généralisation du contrat d’accueil. L’article 5 de la loi du 24 juillet 2006 généralise le contrat d'accueil et d'intégration qui doit être signé par tout étranger admis pour la première fois et qui souhaite se maintenir durablement, sauf s’il a effectué sa scolarité dans un établissement d'enseignement secondaire français à l'étranger pendant au moins trois ans (C. étrangers, art. L. 311-9 et égal. art. L. 314-2 pour la délivrance de la carte de résident). Dans le cadre de ce contrat, l'étranger reçoit notamment une instruction civique, une formation linguistique, le cas échéant un bilan de compétences professionnelles et une " formation civique (comportant) une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, notamment l'égalité entre les hommes et les femmes et la laïcité ". Jusqu’alors, ces règles étaient définies à l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles. Ces formations peuvent avoir une incidence sur la délivrance du titre de séjour. En effet, lors du premier renouvellement de la carte de séjour, " il peut être tenu compte du non-respect, manifesté par une volonté caractérisée, par l'étranger, des stipulations du contrat d'accueil et d'intégration. " (C. étrangers, art. L. 311-9) De même, la décision d'accorder la carte de résident est subordonnée au respect des termes du contrat d’accueil.
6) Réforme du séjour des étudiants Les articles 6 à 9 de la loi du 24 juillet 2006 modifient le cadre du séjour des étudiants. En premier lieu, l’étudiant qui, ayant achevé dans un établissement d'enseignement supérieur un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master, obtiendra une autorisation provisoire de séjour de six mois non renouvelable s’il souhaite, " dans la perspective de son retour dans son pays d'origine ", compléter sa formation par une première expérience professionnelle participant au développement économique de la France et du pays dont il a la nationalité (C. étrangers, art. L. 311-11). Pendant cette période, il pourra exercer un emploi en relation avec sa formation et, au terme des six mois, se maintenir en France si son emploi satisfait à ces exigences sans que lui opposé la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 341-2 du code du travail. Par ailleurs, en cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, le préfet pourra accorder une carte de séjour sans imposer la production d’un visa de long séjour, sous réserve d'une entrée régulière en France. Comme cela était le cas sous certaines réserves, ce titre de séjour donnera droit à l'exercice, " à titre accessoire ", d'une activité salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle (C. étrangers, art. L. 313-7). Cinq catégories d’étudiants en bénéficieront de plein droit (étude effectuée dans le cadre d'une convention signée entre l'Etat et une structure agréée, étudiant ayant réussi un concours d'entrée dans un établissement d'enseignement supérieur ayant signé une convention avec l'Etat, boursier du Gouvernement français, titulaire du baccalauréat préparé dans un établissement relevant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ou d'un diplôme équivalent et ayant suivi pendant au moins trois ans une scolarité dans un établissement français de l'étranger, ressortissant d'un pays ayant signé un accord de réciprocité relatif à l'admission au séjour des étudiants).
7) Carte de séjour " compétences et talents ". L’article 15 de la loi du 24 juillet 2006 institue une carte " compétences et talents " délivrée pour trois ans renouvelable pour faciliter le séjour de l’étranger " susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France et du pays dont il a la nationalité " (C. étrangers, art. L. 315-1). Le renouvellement de ce document sera limité à une fois lorsque son titulaire aura la nationalité d'un pays membre de la " zone de solidarité prioritaire ". Dans cette dernière hypothèse, la délivrance de la carte de séjour sera subordonnée à la signature d’un accord de partenariat pour le codéveloppement ou à un engagement de l’intéressé à retourner dans son pays d'origine au terme d'une période maximale de six ans. Il devra en outre apporter son concours à une action de coopération ou d'investissement économique.
8) Saisonniers étrangers. L’article 12 de la loi du 24 juillet 2006 crée une carte de séjour spécifique pour les travailleurs saisonniers qui permettra d'exercer des travaux n'excédant pas six mois sur douze mois consécutifs. Autorisant des changements d’employeurs, elle sera accordée pour une durée maximale de trois ans renouvelable et donnera droit de séjourner en France pendant la ou les périodes que son titulaire aura fixée(s) (C. étrangers, art. L. 313-10).
9) Statut de résident de longue durée. L’article 29 de la loi du 24 juillet 2006 transpose la directive du 25 novembre 2003 relative au droit séjour de longue durée des ressortissants d’Etat tiers qui s’acquiert au terme d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France. Subordonnée à la détention d’une assurance maladie, la carte de résident " résident de longue durée-CE " est délivrée compte tenu des faits que le candidat au séjour peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, " notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence ". Ceux-ci sont appréciés au regard des ressources qui doivent être " stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins ", indépendamment des prestations et des allocations familiales. Elles doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement (C. étrangers, art. L. 314-8). La loi du 24 juillet 2006 précise par ailleurs les modalités d’obtention de ce statut lorsque l’étranger l’a déjà obtenu dans un pays de l’Union européenne et souhaite s’installer en France (C. étrangers, art. L. 313-4-1). Ce statut sera délivré sous réserve de " ressources stables et suffisantes " et d'une assurance maladie. Il devra être demandé dans les trois mois qui suivent son entrée en France. Enfin, la loi prévoit que la carte de résident d'un étranger qui a quitté le territoire français et a résidé à l'étranger pendant une période de plus de trois ans consécutifs est périmée (C. étrangers, art. L. 314-7).
10) Réforme du droit de séjour des conjoints de ressortissants français. Inscrit dans une logique de lutte contre le détournement du mariage à des fins migratoires, l’article 3 de la loi du 24 juillet 2006 subordonne la délivrance d’une carte de séjour aux conjoints de ressortissants français non plus seulement à la régularité de leur entrée en France mais également à la détention d’un visa de long séjour qui ne pourra toutefois être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Il devra en outre être statué sur la demande " dans les meilleurs délais " (C. étrangers, art. L. 211-2-1). Par ailleurs, l’article 37 de la loi supprime le droit à la délivrance de la carte de résident qui était jusqu’alors acquis après deux ans de mariage. Désormais, les intéressés ont simplement vocation à obtenir ce titre de séjour (C. étrangers, art. L. 314-7). Ils devront en outre satisfaire à la condition d’intégration prévue à l’article L. 314-10 du code. Enfin, l’article 35 de la loi autorise le retrait d’une carte de résident à un conjoint de ressortissant français en cas de rupture de la vie commune dans les quatre années suivant la célébration du mariage (C. étrangers, art. L. 314-5-1).
11) Suppression du droit de séjour acquis après une résidence de dix ans. Le Conseil constitutionnel n’a pas contesté la suppression du droit de séjour dont bénéficiait l'étranger résidant depuis plus de dix ans d’un droit de séjour (Cons. const. déc. n° 2006-539 DC, 20 juill. 2006). Pour le Conseil, selon une formule éprouvée, " aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national " (Cf. déc. n° 93- 325 DC, 13 août 1993, cons. 2). Pour des raisons touchant également au pouvoir d’appréciation du législateur, le législateur pouvait préciser la notion de " liens personnels et familiaux " et renvoyer, en se référant à la jurisprudence administrative, aux critères au vu desquels les étrangers peuvent bénéficier de plein droit d'une carte de séjour.
12) Réforme du séjour des ressortissants de l'Union européenne et des membres de leur famille. L’article 23 de la loi du 24 juillet 2006 transpose la directive du 29 avril 2004 relative au droit de séjour des ressortissants de l’Union européenne, de l'Espace économique européen ou de la Suisse et des membres de leur famille. Ce droit est reconnu au travailleur, à toute personne qui dispose de ressources suffisantes " afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale " et d'une assurance maladie et à l’étudiant, sous cette même réserve. Les membres proches de la famille bénéficient par extension de ce droit de séjour (C. étrangers, art. L. 121-1). Le séjour n’est soumis qu’à une condition d’enregistrement auprès du maire de leur commune de résidence dans les trois mois suivant leur arrivée (C. étrangers, art. L. 121-2). La détention d’un titre de séjour n’est en effet imposée pendant une période transitoire, qu’aux ressortissants des dix nouveaux Etats membres qui exercent une activité professionnelle. Au terme d’un séjour légal et ininterrompu en France pendant cinq ans, les ressortissants visés à l’article L. 121-1 du code et les membres de leur famille acquiert un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire, sauf en cas d’absence de plus de deux ans (C. étrangers, art. L. 122-1 et L. 122-2).
13) Réforme du regroupement familial. Jugées conformes à la Constitution (Cons. const. déc. n° 2006-539 DC, 20 juill. 2006, Loi ), les dispositions de la loi du 24 juillet 2006 relatives au regroupement familial imposent un délai de séjour en France de 18 mois avant de prétendre à une mesure de regroupement familial contre 12 jusqu’alors (C. étrangers, art. L. 411-1). Ce délai n’a pas été déclaré contraire au 10ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (" La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement "). Selon le Conseil constitutionnel, le législateur s'est borné à modifier le critère permettant d'apprécier la stabilité du séjour du demandeur. La réforme prévoit par ailleurs que la condition de logement " normal " sera appréciée par rapport à une famille comparable vivant non plus seulement " en France " mais " dans la même région géographique (…) en raison des disparités du marché immobilier sur le territoire national " (C. étrangers, art. L. 411-5). Dans une réserve d’interprétation, le Conseil, tout en jugeant que ces critères sont " objectifs et rationnels en rapport direct avec l'objet de la loi ", relève que la notion de " région géographique " renvoie " à une réalité locale et non à une catégorie de collectivités territoriales ". Enfin, le titre de séjour du bénéficiaire du regroupement familial pourra être retiré en cas de rupture de la vie commune dans un délai de trois années contre deux jusqu’alors.
14) Obligation de quitter le territoire. En application de l’article 52 de la loi du 24 juillet 2006, le préfet qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public peut assortir sa décision d'une " obligation de quitter le territoire ". Fixant un pays à destination, cette décision devra être exécutée volontairement dans le mois. Passé ce délai, elle pourra être exécutée d'office (C. étrangers, art. L. 511-1). L'étranger concerné pourra, dans le mois suivant la notification de l’obligation de quitter le territoire, en demander l'annulation au tribunal administratif. Son recours suspendra l'exécution de l'obligation sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative. Le tribunal devra statuer dans un délai de trois mois et même 72 heures en cas de placement en rétention (C. étrangers, art. L. 512-1). Le jugement portera dans ce dernier cas de figure sur la mesure qui motive l'urgence et non pas sur la décision relative au refus d'un titre de séjour qui sera jugée par la suite. recours contre les arrêtés notifiés par voie postale était beaucoup plus élevé.
15) Accueil des demandeurs d'asile. L’article 95 de la loi du 24 juillet 2006 précise le régime des 270 centres d’accueil pour demandeurs d’asile. Afin de les distinguer des centres d'hébergement et de réinsertion sociale spécialisés et de leur donner un fondement législatif, la loi définit les axes de leur mission : accueil, hébergement, accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile pendant la durée de leur demande d'asile (CASF, art. L. 348-1 à L. 348-4). La procédure d'admission dans ces centres est également précisée, l'admission étant prononcée par les gestionnaires de centres. La loi étend par ailleurs le bénéfice de l’allocation temporaire d’attente aux demandeurs d’asile qui ne pouvaient jusqu’alors pas la solliciter du fait de leur appartenance à un pays concerné par la clause de cessation de la convention de Genève ou d’un pays d’origine sûr. Il appartiendra au directeur général de l’OFPRA de les signaler pour des raisons humanitaires (C. trav., art. L. 351-9).
16) Pays d'origine sûrs. Introduite par la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003, la notion de " pays d’origine sûr " a été précisée par le conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides qui a adopté le 30 juin 2005 une liste de douze pays (C. étrangers, art. L. 722-1). Ainsi que l’autorise la directive n° 2005/85 du 1er décembre 2005 qui prévoit l’adoption d’une liste commune, l'article 92 de la loi du 24 juillet 2006 préserve la compétence de l’Office.