La Commission a adopté le 19 juillet 2006 une communication qui dresse un bilan des progrès réalisés dans la lutte contre l'immigration clandestine et qui définit les prochaines priorités de l'Union dans cet important domaine de politique.
La lutte contre l'immigration clandestine est un axe central de la politique commune de l’UE en matière de migrations depuis sa création, en 1999. Le traité d'Amsterdam a créé les compétences communautaires dans ce domaine à son titre IV, l'article 62 du TEC constituant la base juridique des règlements relatifs aux contrôles aux frontières et à la politique des visas, et l'article 63 du TEC la base explicite des mesures relatives à l'immigration clandestine et au séjour irrégulier, y compris le rapatriement des personnes en séjour irrégulier.
La présente communication fait partie intégrante de l'approche globale de l'Union en matière de gestion des migrations. Elle complète le programme d’action adopté par la Commission en décembre 2005, qui présentait une série d'initiatives qu'elle entendait prendre en matière d'immigration légale. Le programme soulignait que l'admission des migrants économiques est inséparable des mesures de lutte contre l'immigration clandestine si l'on veut garantir l'intégrité et la crédibilité d'une telle politique.
Ampleur du phénomène
L’expression «immigration clandestine» est utilisée pour désigner divers phénomènes, notamment l’entrée illégale de ressortissants de pays tiers sur le territoire d’un État membre par voie terrestre, maritime et aérienne, y compris par les zones de transit aéroportuaires. Nombre de ces entrées irrégulières se font au moyen de faux documents ou de documents falsifiés, ou avec l’aide de réseaux criminels organisés de passeurs et de trafiquants d’êtres humains. En outre, un nombre considérable de personnes pénètrent légalement au moyen d'un visa valable ou dans le cadre d'un régime d'exemption de visa, mais dépassent la durée de séjour autorisée ou modifient l'objet de leur séjour sans obtenir l'accord des autorités. Enfin, certains demandeurs d’asile déboutés ne quittent pas le pays après avoir reçu une décision finale négative.
Les flux d'immigration clandestine ne peuvent être estimés qu'à partir d'indicateurs pertinents, tels que les chiffres des entrées refusées, des immigrants clandestins arrêtés à la frontière ou dans un État membre, des éloignements ou des dossiers de régularisation au niveau national. Un autre indicateur utile est le nombre considérable de personnes qui entrent légalement et dépassent la durée de séjour autorisée. On estime ainsi que les entrées d'immigrants clandestins dans l'UE-25 dépassent le million chaque année (voir annexe).
Au vu de la situation économique et politique de nombreux pays d'origine et des prévisions démographiques, il est très probable que la pression migratoire s'accentuera au cours des prochaines décennies. Les mouvements de migration clandestine risquent de se poursuivre à un rythme élevé tant que subsisteront d'importants facteurs de départ dans les pays tiers et facteurs d'attraction dans l'Union européenne.
Contexte de l'action
L'importance des mesures de lutte contre l'immigration clandestine a été soulignée maintes fois par chacune des institutions de l'Union. Par exemple, dans sa communication de 2001 relative à une politique commune en matière d'immigration clandestine, la Commission annonçait son intention «d'aborder la question de l'immigration clandestine dans le cadre d'une approche globale» orientée sur des mesures couvrant les différentes étapes du processus migratoire. Les trois plans d’action du Conseil de 2002 relatifs à l'immigration clandestine, aux contrôles aux frontières et aux retours comprenaient une telle panoplie complète de mesures. La communication de la Commission de 2003 (IP/03/794) faisait partie d'une évaluation des progrès accomplis dans le cadre de ces plans d’action et annonçait la publication d’un bilan annuel, qui s’est concrétisé sous la forme du rapport 2004. Un rapport similaire, couvrant les progrès réalisés en 2005, est également joint en annexe à la présente communication.
Le programme de La Haye (programme de travail pluriannuel dans le domaine de la justice, liberté et sécurité, adopté par le Conseil européen des 4-5 novembre 2004) définit un programme d’action en vue d'intensifier la lutte contre l'immigration clandestine dans plusieurs grands domaines de politique: la sécurité des frontières, l'emploi clandestin, les retours et la coopération avec les pays tiers. Face aux flux récents et continus d'immigration clandestine dans la région méditerranéenne, le Conseil européen des 15-16 décembre 2005 a souligné la nécessité d'adopter une approche globale et a arrêté un ensemble de mesures prioritaires concrètes à mettre en œuvre à court et moyen termes.
Contenu de la communication – Prochaines priorités
La communication adoptée aujourd'hui s'appuie sur les principes directeurs et sur les réalisations de l'Union à ce jour, et elle définit de nouveaux axes prioritaires. Elle applique une démarche globale, assurant un équilibre entre sécurité et droits fondamentaux de l'individu, et applique ainsi des mesures à tous les stades du processus migratoire clandestin, à savoir:
- Coopération avec les pays tiers
Le dialogue et la coopération en matière de migrations entre l'UE et les pays d'origine et de transit sont essentiels. Dans la pratique, des mesures concrètes à court et moyen termes sont actuellement mises en œuvre pour faire face aux flux récents et continus d'immigration clandestine touchant la région méditerranéenne (événements de Ceuta et Melilla). Il s'agit notamment de patrouilles communes, d'opérations de surveillance et d'un renforcement de la capacité d'intervention. À plus long terme, les facteurs de départ favorisant l’immigration clandestine continueront d'être traités dans le cadre de politiques de développement.
- Renforcement des frontières extérieures
Le code communautaire des frontières et l'Agence pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX) forment déjà un cadre grâce auquel un niveau élevé de contrôle peut être exercé aux frontières. Au cours des prochaines années, les techniques biométriques telles que les empreintes digitales et la photographie numérique révolutionneront les systèmes de contrôle aux frontières et devraient être exploitées pour accroître l'efficacité des opérations de vérification. Dans cette optique, la communication envisage la création d'un système d'entrées-sorties généralisé et automatisé, destiné à l'enregistrement des ressortissants de pays tiers entrant sur le territoire de l'UE ou en sortant. Son avantage serait double: d'une part, il permettrait aux États membres de vérifier si un ressortissant d'un pays tiers a dépassé la durée de séjour autorisée, par exemple après l'expiration d'un visa, ou s'il l'a déjà fait par le passé; d'autre part, un tel système pourrait faciliter la gestion de l’immigration légale, en servant de registre des travailleurs, notamment saisonniers, en provenance de pays tiers. Une autre approche consisterait à exploiter davantage les informations préalables sur les passagers aux fins du contrôle des frontières et de l'immigration clandestine («e-frontières»), en vue de développer les analyses de menaces et les évaluations de risques. Ces deux systèmes auraient des incidences considérables en matière technique, financière et de protection des données. S'agissant de la mise en place du système d'entrées-sorties, il est donc suggéré d'évaluer au préalable sa faisabilité et sa proportionnalité.
- Lutte contre la traite des êtres humains
La présente communication met également l'accent sur les actions communautaires de lutte contre la traite des êtres humains. Le plan de l'UE concernant les meilleures pratiques, normes et procédures pour prévenir et combattre la traite des êtres humains, adopté par le Conseil le 1er décembre 2005 sur proposition de la Commission (IP/05/1298), établit le programme d’action à moyen terme dans ce domaine. Il couvre une série de questions telles que: les mesures visant à améliorer la compréhension du phénomène de la criminalité et de ses différents aspects, à prévenir la traite des êtres humains et à réduire la demande; une plus grande efficacité des enquêtes et des poursuites pénales; la protection et l'accompagnement des victimes; le retour et la réintégration en toute sécurité, et des questions liées à la lutte contre la traite dans les pays tiers.
- Répression de l'emploi illégal
La possibilité qu'ont les immigrés en séjour irrégulier de trouver un emploi dans l'UE, essentiellement dans les secteurs de la construction, de la restauration et du textile, en y étant le plus souvent exploités, demeure un facteur majeur de départ favorisant l'immigration clandestine. C'est pourquoi il est proposé de s'attaquer à cette question en particulier. Les États membres se doivent d'introduire des sanctions contre ces employeurs dénués de scrupules. Une initiative communautaire visant à harmoniser ces sanctions constituerait un moyen supplémentaire de prévenir l'immigration clandestine.
- Régularisation des immigrés en situation irrégulière
Des mesures doivent être prises à l'égard des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l'UE dont le retour dans le pays d'origine est, pour une raison ou une autre, improbable. Du fait de leur statut de migrants clandestins, ces personnes ne sont en effet pas visées par les mesures d'intégration. Parce qu’ils pouvaient difficilement tolérer la présence prolongée sur leur territoire d'un grand nombre de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, plusieurs États membres ont lancé des programmes de régularisation à grande échelle au cours des dernières années. Ces mesures nationales ont suscité autant d'inquiétude que d'intérêt dans les autres États membres, principalement en raison des répercussions qu'elles pourraient avoir dans un espace dont les frontières intérieures ont disparu.
Dans ce contexte, il y a lieu de mentionner que la proposition de décision du Conseil établissant une procédure d'information réciproque sur les mesures nationales en matière d'asile et d'immigration, présentée par la Commission en octobre 2005 (IP/05/1251), est au stade final des délibérations au Conseil et au Parlement européen. Son adoption formelle est attendue pour l'automne prochain et la procédure d'information réciproque («dispositif d’alerte précoce») deviendrait être applicable à partir de 2007.
Étant donné le peu d'informations disponibles sur les pratiques et les effets des mesures de régularisation, une étude sera réalisée pour constituer la base de futures discussions sur le sujet, en cherchant notamment à déterminer s'il y a lieu d'établir un cadre juridique commun pour les régularisations à l’échelon de l’UE.
- Politique de retour
Le retour reste une pierre angulaire de la politique de l'UE en matière de migrations. Une politique de retour efficace est en effet essentielle pour que l’opinion publique apporte son soutien à des mesures dans des domaines tels que l’immigration légale et l'asile. Parmi les priorités suggérées dans la communication figurent la conclusion de nouveaux accords de réadmission, l'avancée de la proposition de directive sur le retour actuellement en cours d’examen au Parlement et au Conseil, le recours accru par les États membres aux vols de retour communs, une simplification de l'obtention des documents en vue du retour des ressortissants de pays tiers dépourvus de documents de voyage, et la définition de normes communes pour la formation des agents participant aux retours.
- Amélioration des échanges d’informations
La coopération opérationnelle entre les États membres ne peut se révéler fructueuse que s'ils sont en mesure de partager rapidement et sans difficulté des informations de nature technique et stratégique. La communication appelle donc à exploiter davantage les instruments existants, tels que l'ICONet (réseau connecté à l’internet pour l'échange entre les États membres d'informations stratégiques, tactiques et opérationnelles sur les flux d'immigration clandestine - IP/06/57), les réseaux d'officiers de liaison «immigration» des États membres postés dans les pays d'origine, et l'aide Europol.
- Évaluation des politiques
La mise en œuvre des mesures déjà convenues fait partie intégrante du combat que l'UE continue de mener contre l'immigration clandestine. Il est donc proposé d'évaluer la législation sur les obligations des transporteurs commerciaux en matière de prévention de l'immigration clandestine et les mesures réprimant l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers (passage de clandestins), afin d'en identifier les insuffisances et les lacunes. Cet examen sera réalisé en étroite collaboration avec les États membres et les acteurs concernés (secteur des transports, organisations humanitaires).
Suivi
La communication adoptée aujourd'hui sera transmise au Conseil et au Parlement européen. Leur position officielle sur les mesures et les nouvelles priorités qui y sont proposées est attendue avant la fin de l'année.