Code Litec 2010, p. 250 et 1141
Saisi pour avis par le tribunal administratif de Montreuil de l’effet direct de la directive « retour » nº 2008/115 du 16 décembre 2008, le Conseil d’État rappelle que la transposition de directives communautaires est une obligation résultant du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et de l’article 88-1 de la Constitution. Pour ces deux motifs, le juge national doit garantir l’effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation. Par voie d’exception et après expiration des délais de transposition, tout justiciable peut donc contester des dispositions nationales incompatibles avec les objectifs d’une directive. Il peut également se prévaloir à l’appui d’un recours contre un acte individuel des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive qui n’ont pas été transposées dans les délais impartis (Cf. CE ass., 30 oct. 2009, req. n° 298348, Mme Perreux). Précisément, la directive du 16 décembre 2008 devait être transposée le 24 décembre 2010. Or, le projet de loi de transposition ne devait être débattu en deuxième lecture par le Sénat que le 12 avril 2011, plus d’un an après sa présentation en conseil des ministres… Deux dispositions étaient en cause. La première portait sur l’obligation d’indiquer dans la décision de retour le délai de départ volontaire d’un étranger en instance de reconduite, ce délai devant par principe être compris entre sept et trente jours (art. 7). La seconde était relative à l’obligation de prendre toutes mesures pour mettre à exécution une décision de retour ne comportant aucun délai ou dont le délai de retour spontané est expiré (art. 8). Au contraire du dispositif de l’obligation de quitter le territoire, l’article L. 511-1, II du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne prévoit en effet pas qu’une mesure de reconduite soit assortie d’un « délai approprié » d’exécution spontanée d’au moins sept jours.
Le juge communautaire a, dans le passé, précisé ce périmètre d’invocabilité d’une directive (V. ainsi CJCE, 19 janv. 1982, aff. nº 8/81, Ursula Becker). Il a ainsi estimé que les dispositions d’une directive sont suffisamment précises si elles énoncent une obligation dans des termes non équivoques. Elles sont par ailleurs inconditionnelles si elles formulent un droit ou une obligation qui n’est assorti d’aucune condition ni subordonné, dans son exécution ou ses effets, à un acte des institutions de l’Union ou des États. Cette double condition est remplie par les articles 7 et 8 de la directive. Du reste, même une directive qui comporte une marge d’appréciation pour les États n’interdit pas à un particulier d’invoquer une disposition ayant un objet propre et applicable séparément. Cette « garantie minimale » pour des justiciables lésés par l’inexécution de la directive découle de l’obligation de transposition imposée aux Etats qui ne peuvent pas, par leur carence, faire obstacle aux effets de la législation dérivée. Dans le cas présent, la faculté laissée aux États par l’article 7 § 1 de prévoir que le délai de retour ne sera accordé qu’à la demande de l’étranger ne fait pas obstacle au caractère inconditionnel et suffisamment précis de la directive. En effet, si un État n’a pas prévu pareille disposition, il est réputé ne pas avoir exercé la faculté ainsi offerte par la directive. De même, aussi longtemps que l’État n’a pas défini la notion de « risque de fuite », il ne peut pas se prévaloir de l’exception prévue par l’article 7 § 4 qui autorise un départ immédiat. Le gouvernement français ne pouvait pas ici se prévaloir de son propre manquement dans la transposition d’une directive qui prévoyait une marge d’appréciation (CE, avis, 21 mars 2011, req. n° 345978 et 346612, MM. J. et T.).