Code Litec 2012, p. 1326 (annexe 6)
L’article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation garantit un « droit à un logement décent et indépendant » au bénéfice de toute personne qui, résidant sur le territoire de manière régulière et permanente, n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir. Sur ce fondement, le décret n° 2008-908 du 8 septembre 2008 impose aux ressortissants d’un pays tiers à l'Union européenne une condition de permanence du séjour (CCH, art. R. 300-2). Il établit par ailleurs, pour les personnes qui ne détiennent pas une carte de résident ou un titre de séjour équivalent, une liste de cinq catégories de titres de séjour permettant de demander le bénéfice du droit au logement opposable sous la double condition d'une durée de résidence préalable de deux ans et d'au moins deux renouvellements du titre de séjour. Cette liste ne comprend pas la carte de séjour « étudiant », « salarié en mission » et « compétences et talents ».
Ces restrictions ont été contestées au regard de l'article 6-1 de la convention internationale du travail n° 97 du 1er juillet 1949 concernant les travailleurs migrants. Cet article interdit toute discrimination au détriment des immigrants qui séjournent légalement et impose un traitement équivalent avec les nationaux en matière de logement et d’actions en justice. Cet engagement ne se borne pas à régir les relations entre États. Parce qu’il ne requiert l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets et se suffit à lui-même, le Conseil d’État a estimé que le décret du 8 septembre 2008 était incompatible avec l’article 6-1 de la convention de 1949. En effet, le décret subordonne le droit au logement opposable de certains travailleurs migrants à une condition de résidence de deux ans qui ne s'applique pas aux nationaux et exclut de son champ d'application des titres de séjour susceptibles d'être attribués à des travailleurs migrants tels que les travailleurs temporaires ou les salariés en mission.
Si le pouvoir réglementaire pouvait subordonner le droit au logement à des conditions distinctes selon les titres de séjour, il devait respecter l’égalité de traitement et traiter de manière identique les étrangers placés dans une situation équivalente au regard de la permanence de leur séjour, sauf à rapporter un motif d'intérêt général en rapport avec l’objet de la loi. Tel n’est pas le cas des titulaires d'une carte de séjour « étudiant », « salarié en mission » et « compétences et talents » qui sont dans une situation comparable à celles d’autres détenteurs de titres de séjour. Pour cette raison, en excluant du bénéfice du droit au logement opposable les détenteurs de ces trois catégories de titres de séjour, le pouvoir réglementaire a méconnu le principe d'égalité. Pour prévenir les conséquences de la rétroactivité de l'annulation du décret de 2008 et pour permettre au Gouvernement d’assurer la continuité de la procédure du droit au logement, le Conseil d’État a reporté son annulation au 1er octobre 2012. Sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de l’arrêt contre les actes pris sur son fondement, les effets produits par le décret avant son annulation sont définitifs (CE, 11 avril 2012, n° 322326, GISTI).