Code Lexis-Nexis 2014, C. étrangers, art. L. 211-1 et L. 742-6
Saisie de la procédure de regroupement de l’entourage familial d’un réfugié, la Cour européenne des droits de l’homme concède la difficulté pour les autorités nationales d’établir l’authenticité de certains actes, compte tenu notamment des dysfonctionnements des services d’état civil (CEDH, 10 juill. 2014, n° 2260/10, Tanda-Muzinga c/ France et égal., du même jour, n° 52701/09, Mugenzi c/ France et n° 19113/09, Senigo Longue et autres c/ France). Pour ces raisons, elle leur reconnaît un certain pouvoir d’appréciation.
Il reste que l’unité de la famille constitue un « droit essentiel du réfugié », le regroupement familial représentant un élément fondamental pour « permettre à des personnes qui ont fui des persécutions de reprendre une vie normale » (§ 75). Les réfugiés devraient donc bénéficier d’une procédure plus favorable que celle réservée aux autres étrangers. Pour la Cour, cette exigence fait l’objet d’un consensus international et européen (§ 75). Le droit français ne prévoit pourtant aucune facilité procédurale aux réfugiés et protégés subsidiaires de nature à prendre en compte leur vulnérabilité et leur parcours personnel et, en pratique, les consulats exigent invariablement des documents d’état civil parfois difficiles à obtenir. Pour la Cour, lorsqu’elles soupçonnent une fraude identitaire et que le réfugié n’est pas en mesure de fournir des justificatifs officiels, les autorités devraient accueillir d’autres preuves de l’existence des liens familiaux (examen médical, témoignage, etc.). Il est en effet « capital que les demandes de visas soient examinées rapidement, attentivement et avec une diligence particulière. » (§ 73) Il pèse ici sur l’État l’obligation de mettre en œuvre « une procédure prenant en compte les évènements ayant perturbé et désorganisé sa vie familiale et conduit à lui reconnaître le statut de réfugié (au titre) des exigences procédurales de l’article 8 de la Convention ». Ces « exigences procédurales » qui se déduisent de l’article 8 de la Convention ne sont pas respectées dans l’hypothèse où les visas sont délivrés à l’ensemble des membres de la famille après cinq ans de séparation, au terme d’une procédure qui n’a pas présenté « les garanties de souplesse, de célérité et d’effectivité requises pour faire respecter (le) droit au respect de sa vie familiale » de l’intéressé (§ 82).
Plus que le droit français, qui exige d’être révisé pour prendre en compte les spécificités du regroupement de l’entourage familial d’un réfugié, une refonte des pratiques administratives doit être opérée pour éviter de nouvelles condamnations de l’État français. Si la Cour européenne des droits de l’homme ne le pointe pas directement, une réforme du contentieux des refus de visa mériterait également d’être engagée.