Code Lexis-Nexis édition 2017, Annexe 6
Selon les articles 375 et 375-3 du Code civil et les articles L. 221-1 et L. 222-5 du Code de l'action sociale et des familles, le département doit prendre en charge l'hébergement et pourvoir aux besoins des mineurs confiés au service de l'aide sociale à l'enfance. Une obligation particulière pèse lorsqu'un mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger. Lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. En tout état de cause, les autorités de police générale, « garantes du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité humaine », doivent veiller à garantir le droit à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants. Lorsque la carence des autorités publiques expose une personne à un tel risque, le juge des référés libertés peut prescrire toute mesures pour faire cesser cette carence. Toutefois, la compétence des autorités titulaires du pouvoir de police générale ne dispense pas le département de ses obligations en matière d'aide sociale à l'enfance. Le juge des référés ne doit donc prononcer une injonction à leur égard que si les mesures de sauvegarde à prendre excèdent les capacités d'action du département.
Dans l’affaire jugée le 27 juillet 2016, le département du Nord faisait valoir qu'il avait créé 80 places dédiées à la mise à l'abri et à l'accueil de mineurs isolés étrangers, qu'il accueillait environ 300 de ces mineurs et près de 200 jeunes majeurs non accompagnés en maisons d'enfants à caractère social et qu'il finançait à titre provisoire 65 places supplémentaires. Ce dispositif était saturé compte tenu du nombre important de mineurs isolé qui lui étaient confiés par décision judiciaire (775). Le Conseil d'État a toutefois observé que le département n'avait apporté aucune solution d'hébergement à la suite de l’injonction adressée par le juge des référés en première instance. Cette abstention avait conduit l’intéressé à s’installer avec plusieurs dizaines de mineurs isolés étrangers sous des tentes mises à leur disposition par une association, sans accès à l'eau potable. Compte tenu de cette situation de précarité et d’insalubrité résultant de l'abstention prolongée du département, le Conseil d'État en a déduit une carence caractérisée de nature à exposer le mineur concerné à des traitements inhumains ou dégradants, portant par là même une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Si le Conseil constate les « efforts importants pour la prise en charge des mineurs isolés étrangers, en nombre croissant », il considère qu'une solution pourrait être trouvée pour mettre à l'abri l’intéressé et assurer ses besoins quotidiens dans l'attente d'une prise en charge plus durable conforme au dispositif légal d’accueil des mineurs isolés (CE, 27 juill. 2016, n° 400055).