Code Lexis-Nexis édition 2018, C. étrangers, Livre 5
Il a été soutenu (non sans pertinence) que la réforme du 7 mars 2016, en mettant fin à la compétence du juge administratif pour connaître des recours dirigés contre les décisions de placement en rétention, avait méconnu le principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel la juridiction administrative est en principe compétente pour annuler ou réformer les décisions prises dans l’exercice des prérogatives de puissance publique (CAA Bordeaux, ord., 23 juin 2017, n° 17BX01467). Cette question avait été éludée de manière inexplicable par le Conseil constitutionnel en 2016 (Cons. const., déc. 3 mars 2016, no 2016-728 DC). À l’appui de ce raisonnement, il avait notamment été soutenu que ce transfert de compétence portait atteinte aux droits des personnes concernées dans la mesure où le législateur n’avait pas conféré au juge des libertés et de la détention un pouvoir d’annulation ou de réformation de l’arrêté de placement en rétention. Cette argumentation a été contestée par les juges d’appel de Bordeaux au motif que le nouveau dispositif permet au juge des libertés et de la détention de procéder, en plus du contrôle qui lui était auparavant dévolu, à un contrôle de la légalité du placement en rétention. Dans le même temps, le juge administratif s’assure toujours du contrôle de la légalité de la mesure d’éloignement et de la décision refusant un départ volontaire. Or, lorsque ces mesures sont annulées, il est immédiatement mis fin au maintien en rétention (C. étrangers, art. L. 554-2 et L. 512-4). Il a également été observé que le juge des libertés et de la détention pouvait également ordonner une remise en liberté ou une assignation à résidence si le placement en rétention était entachée d’illégalité. Compte tenu de l’ensemble de ces recours, des effets attachés à ces recours et des pouvoirs aux juges saisis, il a été conclu que la réforme du 7 mars 2016 n’avait pas porté une atteinte manifeste au droit d’exercer un recours juridictionnel effectif et de bénéficier d’un procès équitable. Estimant dès lors que cette question prioritaire de constitutionnalité n’était pas « sérieuse », la Cour a refusé de la transmettre au Conseil d'État et mis fin (sans doute provisoirement) à ce débat.