La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 avait habilité le Gouvernement à procéder par ordonnance à une nouvelle rédaction de la partie législative du Code des étrangers afin d’en aménager le plan, de clarifier la rédaction de ses dispositions et d’y inclure les dispositions relevant du domaine de la loi et intéressant directement l’entrée et le séjour des étrangers en France. Cette recodification devait intervenir dans les 18 mois. L’article 14 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a par la suite accordé un délai supplémentaire, de sorte que le nouveau code n’a été présenté que lors du conseil des ministres du 16 décembre 2020 (Ord. n° 2020-1733, 16 déc. 2020 pour la partie législative et D. n° 2020-1734, 16 déc. 2020 pour la partie réglementaire). La refonte du droit a été effectuée à droit constant. Le codificateur pouvait cependant introduire des modifications pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l’état du droit, remédier aux erreurs et insuffisances de codification et abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet. Aucune liste n'a été jointe à l'ordonnance et au décret, de sorte que l'on découvre ces abrogations au fil de la lecture ; il en est de même pour les dispositions transférées de la partie législative à la partie réglementaire... et inversement. On regrettera également l'absence de table de correspondance qui devrait être diffusée dans les semaines à venir.
Le jour même de la publication du nouveau code applicable au 1er mai 2021, le Journal Officiel a publié la loi de finances pour 2021... qui a modifié deux articles du code des étrangers (quelques jours plus tôt, la loi de programmation de l'enseignement supérieur avait également modifié le code). Avant même son entrée en vigueur, le nouveau code est déjà obsolète ! À cette confusion normative qui s'amplifiera jusqu'au 1er mai 2021 s'ajoute un redécoupage déconcertant à bien des égards. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile sont par exemple décrits dans le livre 1 (dédié aux généralités du droit des étrangers) et dans le livre 5 (dédié… au droit d'asile). Certaines procédures applicables à ce même droit relèvent en outre des livres 6 et 7 relatifs à l'éloignement forcé.
Sous ces réserves, quatre innovations peuvent être mises en relief :
1/ Tout d’abord, un livre (le livre 2) est désormais dédié aux citoyens de l’Union européenne et aux personnes assimilées, alors que ces dispositions étaient rangées depuis 2006 dans un livre 1 totalement dépourvu d'unité. Cette clarification est toute relative : pour chaque titre de l'ensemble du code, un article cadre dresse une liste des articles applicables aux ressortissants de l'Union (le jeu de piste assez pénible qui s'en déduit risque de déboucher sur des problèmes à l'avenir lorsque le code sera modifié).
2/ En second lieu, le livre 4 relatif au séjour a été réécrit avec l'ambition de présenter les cadres de séjour (et non plus, comme cela était la règle depuis 1945, les différents titres de séjour) et de manière on l'espère plus claire les pièces justificatives exigées pour chaque situation. Toutefois, ces justificatifs ont disparu de la partie réglementaire du code et feront l'objet d'arrêtés à venir sans doute rattachés au code).
3/ En troisième lieu, le code renvoie à plusieurs règlements européens (code frontières Schengen, code communautaire des visas et règlement sur le système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages - ETIAS). Ces renvois ont été présentés par l'ordonnance de présentation comme une nouveauté (ce qui est inexact si l'on considère les renvois du livre 7 relative à l'asile) et un apport. Qu'il soit permis d'en douter dans la mesure où il impose aux acteurs une double lecture, le codificateur ayant procédé par simple renvoi d'articles.
4/ Le nouveau code unifie enfin le droit des étrangers en mentionnant désormais le droit applicable à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et dans les collectivités du Pacifique. Cette simplification, s'il s'agit d'une simplification, est cependant très artificielle : le codificateur a écarté une rédaction des aménagements article par article (un choix qui aurait, il est vrai, alourdi le code) et opté pour une liste des dérogations en listant les modifications et en renvoyant aux articles concernés (selon les titres, ces dérogations et aménagements représentent jusqu'à un tiers du volume !). Les acteurs ultra-marins du droit des étrangers apprécieront assez peu cette option qui ruine la lisibilité de ce droit