Code Lexis-Nexis édition 2021, C. étrangers, Livres 2, 3 et 5 et Droit des étrangers (Lexis-Nexis), éd. 2022, § 252
L’article 52 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie avait autorisé le gouvernement à procéder à droit constant à une nouvelle rédaction de la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans les 24 mois suivant la promulgation de la loi, sous réserve de déposer les projets de loi de ratification dans les trois mois suivant la publication de l’ordonnance. Sur le fondement de cette habilitation prorogée par l'article 14 de la loi du 23 mars 2020, l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 mais également le décret n° 2020-1734 du 16 décembre 2020 pour la partie réglementaire du code ont procédé à une réécriture du Code des étrangers. Saisi l'annulation d’un recours pour excès de pouvoir contre l’ordonnance et le décret du 16 décembre 2020, le Conseil d'État a refuser de regarder ce nouvel état du droit comme purement confirmatif des dispositions antérieures (CE, 24 févr. 2022, Association « Avocats pour la défense des droits des étrangers » et autres, n° 450285). Sur cette base, il a examiné les très nombreux griefs formulés à l’encontre de la nouvelle rédaction du code applicable depuis le 1er mai 2021, ne procédant qu’à deux annulations et un renvoi à la Cour de justice de l'Union européenne.
Le Conseil d'État a tout d’abord annulé les articles L. 233-1 et L. 233-2 issus de la nouvelle rédaction du code au motif qu’ils ne reconnaissaient un droit au séjour de plus trois mois qu'au conjoint et aux descendants directs à charge du citoyen de l'Union européenne, excluant par voie de conséquence l'enfant à charge du conjoint du citoyen de l'Union européenne qui n'est pas le descendant direct de ce dernier. Un tel droit se déduit pourtant de l'objectif de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union. Le Conseil a également annulé les dispositions de l’article L. 554-1 de la nouvelle rédaction du code qui ont été jugées contraires à l'article 15 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 qui prévoit que les États membres veillent à ce que les demandeurs aient accès au marché du travail dans un délai maximal de neuf mois à compter de la date d'introduction de la demande d’asile lorsqu'aucune décision en première instance n'a été rendue et que le retard ne peut pas être imputé au demandeur. Sur ce point, la Cour de justice de l'Union européenne avait estimé le 14 janvier 2021 estimé qu’une réglementation nationale ne peut pas exclure un demandeur d’asile de l'accès au marché du travail au seul motif qu'une décision de transfert vers le pays européen compétent a été prise à son égard (aff. C-322/19 et C-385/19). Le code ne pouvait donc pas conditionner l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile à l'introduction d'une demande devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides car, précisément, l’Office ne peut être saisi par les demandeurs d'asile faisant l'objet d'un transfert.
Le Conseil d'État a par ailleurs estimé nécessaire de transmettre pour avis la Cour de justice de l'Union européenne l'article L. 332-3, deuxième alinéa, qui prévoit qu'un refus d'entrée peut être prononcé « lors de vérifications effectuées à une frontière intérieure » en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures. Dans sa décision « Arib » du 19 mars 2019 (aff. C-444/17), la Cour de justice a estimé que la directive « retour » 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ne s'appliquait pas au ressortissant de pays tiers arrêté à proximité immédiate d'une frontière intérieure au motif qu’il séjourne irrégulièrement, même en cas de réintroduction du contrôle à cette frontière en raison d'une menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure. Tirant les conséquences de cette décision, le Conseil d'État avait jugé contraires à la directive 2008/115/CE les dispositions de la loi du 10 septembre 2018 qui prévoyait que, dans ce cas, l'étranger en provenance directe du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen pouvait faire l'objet d'un refus d'entrée en franchissant une frontière intérieure terrestre sans y être autorisé après avoir été contrôlé dans une zone comprise entre cette frontière et une ligne tracée à dix kilomètres en deçà (CE, 27 nov. 2020, n° 428175). Si le codificateur a pour l’essentiel pris acte de cet arrêt, il demeure la question de savoir si, en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures, l'étranger en provenance du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen qui se présente à un point de passage frontalier fixe ou mobile sans justifier d'une autorisation d'entrée ou de séjour en France peut se voir opposer un refus d'entrée lors des vérifications effectuées à cette frontière sur le fondement du « code frontières Schengen », sans que soit applicable la directive 2008/115/CE. Ce point a été jugé déterminant pour la solution du litige et constitutive une difficulté sérieuse d'interprétation du droit de l'Union européenne.