Code Lexis-Nexis édition 2024, CESEDA, Livre 7 et Annexes 2 et 3 et Droit des étrangers (Lexis-Nexis), partie 4, éd. 2022
Statuant le 7 mars 2022 dans le cadre de la procédure d’urgence prévue par l’article 39 de son règlement, la Cour européenne des droits de l'homme avait estimé que l’éloignement forcé d’un ressortissant ouzbek de la France vers son pays l’exposait à des risques de traitements inhumains ou dégradants et avait demandé aux autorités françaises de suspendre la procédure dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. La demande de suspension avait été prorogée le 26 avril 2022 après le rejet définitif de la demande d’asile dans l’attente d’une décision sur le fond de la Cour européenne des droits de l'homme. Alors que l’intéressé était assigné à résidence depuis le 23 mars 2022, le ministre de l’Intérieur a pourtant mis à exécution l’arrêté d’expulsion le 13 novembre 2023.
Au motif que la condition d'urgence n’était plus remplie dès lors que la personne concernée avait été remise aux autorités ouzbèkes, le juge du référé du tribunal administratif de Paris avait rejeté la demande de suspension de la mesure d’éloignement.
Le Conseil d'État a annulé cette ordonnance en rappelant que la procédure de référé liberté permet d'ordonner toutes mesures nécessaires pour protéger une liberté fondamentale, notamment pour permettre un retour en France comme dans le cas présent. Le Conseil relève que le ministre de l’Intérieur a porté atteinte au droit d'exercer un recours effectif protégé par la Constitution et les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en faisant échec aux mesures provisoires de la Cour européenne des droits de l'homme. Prenant acte qu’il n’existe « aucun obstacle objectif empêchant le gouvernement français de se conformer à la mesure prescrite » par la Cour européenne des droits de l'homme, le juge du référé du Conseil d'État en a conclu que l'éloignement à destination de l'Ouzbékistan constituait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il a en conséquence enjoint au ministre de l’Intérieur, sans astreinte financière, de prendre dans les meilleurs délais toutes mesures utiles afin de permettre le retour du requérant en France (CE réf., 7 déc. 2023, n° 489817).
En clair, il est enjoint aux autorités françaises d’engager un improbable dialogue diplomatique avec le gouvernement ouzbek, alors même que le ministre de l’Intérieur s’est publiquement engagé à exécuter les mesures d’éloignement forcé des personnes soupçonnées d’être impliquées dans des actes terroristes, y compris lorsqu’une décision de la Cour européenne des droits de l'homme y fait obstacle.