Code Lexis-Nexis édition 2024, CESEDA, Livre 3 (à paraître en juin) et Droit des étrangers (Lexis-Nexis), partie 2, éd. 2024 (à paraître en mai)
Le droit français ne permet pas d’opposer un refus d’entrée à un étranger qui a pénétré sur le territoire français en franchissant une frontière intérieure terrestre sans que soient respectées les garanties prévues par la directive « retour ». Il en a tiré les conséquences que le Code des étrangers n’était pas conforme à la directive (CE, 27 nov. 2020, n° 428178, CIMADE et a.). En 2020, le codificateur a pris acte de cette décision en supprimant les notions de franchissement de la frontière intérieure et de contrôle dans une bande de 10 km en deçà de la frontière.
Saisi d’un recours contre l’article L. 332-3 du Code des étrangers, le Conseil d’État a toutefois saisi pour avis la Cour de justice de l’Union européenne (CE, 24 févr. 2022, n° 450285, Assoc. ADDE et a.). Il demeurait en effet la question de savoir si, en cas de réintroduction temporaire des contrôles aux frontières intérieures, l’étranger en provenance du territoire d’un État partie à la convention signée à Schengen qui se présente à un point de passage frontalier sans autorisation d’entrée ou de séjour peut se voir opposer un refus d’entrée lors des vérifications effectuées à cette frontière sans bénéficier des garanties énoncées par la directive « retour ». Dans sa réponse (tardive !), la Cour de justice de l'Union européenne a désavoué la position soutenue par le gouvernement français. Elle a estimé que l’application des normes et procédures communes prévues par la directive « retour » ne compromettait pas le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure en permettant notamment, dans des cas déterminés, un éloignement sans délai et sous contrainte. Elle en a conclu que, en cas de réintroduction des contrôles à ses frontières intérieures, les autorités nationales doivent respecter les normes et procédures communes prévues par la directive « retour » lorsqu’elles prononcent un refus d’entrée à l’égard d’un étranger en vue de son éloignement (CJUE, 21 sept. 2023, aff. C‑143/22, Assoc. ADDE et a.).
Tirant les conséquences de cette réponse, le Conseil d'État a estimé que la seconde phrase de l'article L. 332-3 du Code des étrangers, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 16 décembre 2020, était incompatible avec les objectifs de la directive Retour 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et a été annulée. Le Conseil d'État ne s’est pas arrêté là. Il a estimé que l’administration pouvait toujours prendre une décision de refus d'entrée à l'égard de l'étranger qui ne satisfait pas aux conditions d'admission sur le territoire lors de vérifications à une frontière intérieure en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans le cas où une telle décision est prise en vue de la réadmission de l'intéressé par l'État dont il provient en application d'un accord ou d'un arrangement passé par la France avec un autre État. Interprétant les dispositions des articles L. 621-1 et suivants du code relatives aux réadmissions, il renvoie au législateur le soin de définir, dans le respect des exigences de la directive 2008/115/CE, les règles applicables à la situation de l'étranger ayant irrégulièrement franchi une frontière intérieure sur laquelle les contrôles ont été rétablis et qui a fait l'objet d'un refus d'entrée dans la perspective de sa réadmission. En l'état de la législation, les intéressés peuvent faire l’objet d’une retenue pour vérification du droit de séjour et d’un placement en rétention administrative (CE, 2 févr. 2024, n° 450285, Assoc. ADDE et a.).