Code Litec 2010, p. 512, 908 et 1573
Au terme d’un très long raisonnement, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Grèce et la Belgique sur le terrain de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La victime était entrée sur le territoire de l'Union européenne par la Grèce sans déposer une demande de protection comme le prescrit le règlement communautaire nº 343/2003 du 18 février 2003. Il avait par la suite introduit une demande auprès des autorités belges qui l’avaient éloigné vers la Grèce. Sans sous-estimer le poids et la pression de l’afflux de demandeurs d’asile dans ce pays, la Cour a rappelé qu’en raison du caractère absolu de l'article 3, cette situation ne saurait exonérer un État de ses obligations. S’appuyant sur les constats circonstanciés et convergents de plusieurs organisations, elle a dénoncé les conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans ce pays (145 détenus 110 m2, un lit pour 17 personnes…). Elle en conclut que de telles conditions constituent un traitement dégradant au sens de l'article 3 de la Convention. Par ailleurs, les États sont tenus à l'obligation de fournir un logement et des conditions matérielles décentes aux demandeurs d'asile en vertu la directive nº 2003/9 du 27 janvier 2003. Pour cette raison, la Cour estime que les conditions d'existence infligées au requérant ont atteint le seuil de gravité requis par l'article 3 de la Convention. En écho à une obligation positive qui interdit à un État de violer indirectement un droit protégé, la Cour a également condamné la Belgique en estimant que lorsqu'ils appliquent le règlement « Dublin », les États doivent s'assurer que la procédure d'asile du pays compétent offre des garanties suffisantes permettant d'éviter qu'un demandeur ne soit expulsé dans son pays d'origine. Or, les autorités belges savaient que l’intéressé n'avait aucune garantie de voir sa demande d'asile examinée sérieusement par la Grèce (V. sur la nécessité de contrôler la capacité d'examen des demandes d'asile de l'autorité de renvoi, CE réf., 20 mai 2010, req. n° 339478 et n° 339479, M. et Mme O). De plus, elles avaient les moyens de s'opposer à son transfert. Dès lors, en expulsant le requérant, les autorités belges ont exposé un candidat à l’asile en connaissance de cause à des conditions de détention et d'existence constitutives de traitements dégradants (Cour EDH, 21 janv. 2011, req. nº 30696/09, M.S.S. c/ Belgique et Grèce).