Code Litec 2010, p. 385
Le législateur a finalement tiré les conséquences des décisions du Conseil constitutionnel, de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation en adoptant la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 qui n’a malheureusement pas été soumise au Conseil constitutionnel.
1. Le nouvel article 62-2 du code de procédure pénale définit les motifs de placement en garde à vue qui s’applique à « une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement ». Six motifs sont visés par la loi (permettre l'exécution d’investigations ; garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République ; empêcher que la personne ne modifie pas les preuves ou indices matériels ; éviter des pression sur les témoins ou victimes ; empêcher une concertation avec des coauteurs ou complices ; garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit). Le délit de séjour irrégulier étant puni par une peine d'un an de prison (C. étrangers, art. L. 621-1), un étranger contrôlé en situation irrégulière pourra continuer d'être placé en garde à vue, notamment pour "garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser... le délit".
2. Le procureur de la République apprécie si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure sont « nécessaires à l'enquête et proportionnés à la gravité des faits » (CPP, art. 62-3). La garde à vue peut être prolongée pour 24 heures par le procureur si l'infraction en cause est un crime ou un délit puni d'une peine de prison supérieure à un an et si la prolongation est l'« unique moyen » pour satisfaire à l'un des six objectifs prévus par la loi (CPP, art. 63).
3. Dès le début de la garde à vue, l’intéressé est informée par un officier de police judiciaire dans une langue qu'il comprend ou le cas échéant par un formulaire de son placement de la durée de la mesure, des conditions de prolongation, de la nature et de la date présumée de l'infraction en cause et des droits de faire prévenir un proche et un employeur, d'être examiné par un médecin, d'être assisté par un avocat et, lors des auditions, ainsi que le Conseil constitutionnel l’avait exigé, de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées (CPP, art. 63-1. – V. égal. art. 63-3 pour l’examen par un médecin et art. 63-3-1 pour le recours à un avocat). Lorsque la personne est étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays (CPP, art. 63-2).
4. L'avocat peut communiquer trente minutes au plus avec son client dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien et à nouveau en cas de prolongation (CPP, art. 63-3). Il peut par ailleurs assister à la demande de son client aux auditions et confrontations dès le placement en garde à vue (CPP, art. 63-4-2). Après chaque audition ou confrontation à laquelle il assiste, il peut poser des questions qui ne doivent pas nuire au bon déroulement de l'enquête ou présenter des observations écrites. Cette faculté ne peut être refusée qu’à « titre exceptionnel » par le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention sur demande de l'officier de police judiciaire si cette mesure apparaît « indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes. » (idem) L'avocat intervient alors dans un délai maximal de 12 heures ou 24 heures si est en cause un crime ou un délit puni d'une peine de prison supérieure à cinq ans.
5. Dans un litige intéressant la prolongation du maintien en rétention, il avait été observé par le juge des libertés et de la détention que les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ne lient que les États directement concernés par les recours sur lesquels elle statue. La Cour de cassation a donné une portée plus large à l’effet des arrêts des juges de Strasbourg en estimant que les États sont tenus de respecter leurs décisions sans attendre d’être attaqués ni d’avoir modifié leur législation (Cass. ass. plén., 15 avr. 2011, req. nº 10-17049, Préfet du Rhône et égal. nº 10-30313, 10-30316 et 10-30242). Le droit à un procès équitable imposant que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires (CEDH, 14 oct. 2010, req. nº 1466/07, Brusco c/ France), la Cour de cassation a jugé nécessaire d’appliquer immédiatement c’est-à-dire rétroactivement la réforme du 14 avril 2011 qui prévoit une telle garantie. En conséquence, elle a dénoncé l’absence d’un avocat dès le début de la garde à vue concernant un étranger qui avait sollicité une telle intervention avant d’être placé en rétention.