La réforme engagée en février 2010 a trouvé son épilogue avec la publication de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité… avec six mois de retard sur le délai de transposition de la directive « retour » de 2008 (V. note précédente pour la constitutionnalité de la réforme). Les principales modifications sont les suivantes :
1. Placement en zone d’attente
a) Zone d'attente itinérante : le 23 janvier 2010, 123 Kurdes avaient été retrouvés sur une plage corse. Ces ressortissants ne pouvant pas être placés dans une zone d'attente située « dans un port ou à proximité du lieu de débarquement » (C. étrangers, art. L. 221-1), il avait été décidé de prononcer à leur encontre des mesures de rétention administrative qui ont finalement été annulées. Réagissant à ce précédent, le Gouvernement a souhaité créer des zones d'attente itinérantes. La réforme prend acte de cette volonté. Ces zones auront vocation à s'étendre « du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu’au point de passage frontalier le plus proche. » Si l'administration est confrontée à la présence simultanée d'un nombre important d'étrangers en situation irrégulière, la notification des droits devra intervenir « dans les meilleurs délais » pour tenir compte des délais d'acheminement des interprètes et des fonctionnaires de la préfecture (C. étrangers, art. L. 221-4). Inspirée par les mêmes motifs, la réforme autorise une notification « dans les meilleurs délais » en cas d’arrivée simultanée d'un nombre important d'étrangers en situation irrégulière (C. étrangers, art. L. 221-4). La notification des droits est alors subordonnée à l'arrivée du personnel administratif et des interprètes. Le Conseil constitutionnel a validé cette innovation (V. note précédente).
b) Garanties de représentation de la personne placée en zone d’attente : en excluant que l’existence de garanties de représentation de l’étranger (billet d’avion, adresse en France…) puisse à elle seule justifier le refus de prolonger le maintien en zone d’attente, la réforme met un terme à une jurisprudence de la Cour de cassation (C. étrangers, art. L. 222-3. – Cf. Cass. civ. 2ème, 21 févr. 2002, req. n° 00-50079 et Cons. const. déc. n° 2011-631 DC, 9 juin 2011, cons. 30).
c) Droits de l’étranger placé en zone d’attente : s’inspirant de l’adage « pas de nullité sans grief », la réforme consacre le principe selon lequel toute irrégularité ne fonde pas un refus de prolongation du maintien en zone d’attente, sauf à démontrer que celle-ci « a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger ». Sur ce point, le Gouvernement a souhaité remettre en cause la jurisprudence de la Cour de cassation qui jugeait qu'une irrégularité concernant l'exercice effectif des droits pouvait être soulevée à tout moment et ne constituait pas une exception de procédure au sens de l'article 74 du Code de procédure civile (Cass. 1re civ., 1er juill. 2009, req. no 08-11.846, Préfet de police de Paris). La loi reprend à l’identique la rédaction de l’article 802 du code de procédure pénale (C. étrangers, art. 222-8). Cette nouvelle rédaction s’applique à l’ensemble des juridictions, y compris en appel.
d) Contentieux de la zone d’attente : la réforme impose au juge des libertés et de la détention de statuer dans les 24 heures suivant sa saisine ou 48 heures si les nécessités de l’instruction l’imposent (C. étrangers, art. 222-3). La loi n'assortit toutefois pas la méconnaissance de ce délai de conséquences concrètes. Par ailleurs, la réforme consacre un dispositif de purge des nullités qui conduit le juge des libertés et de la détention saisi d'une deuxième requête à se prononcer sur les seules irrégularités de procédure survenues après la première audience de prolongation (C. étrangers, art. 222-3 et Cons. const. déc. n° 2011-631 DC, 9 juin 2011, cons. 27).
2. Droits liés au séjour
a) Limite au droit de séjour des ressortissants de l’Union européenne : l’article 6 de la directive nº 2004/38 du 29 avril 2004 garantit un droit de séjour de trois mois aux ressortissants de l’Union, d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Suisse « sans autres conditions ou formalités que l'exigence d'être en possession d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité ». La réforme procède d’une autre intention en conditionnant ce droit de séjour à l’exigence de ne pas faire peser « une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale » (C. étrangers, art. 121-4-1). Elle prolonge par là même une exigence posée par le décret nº 2007-371 du 21 mars 2007 (C. étrangers, art. R. 121-3 et sur la légalité du décret, CE, 19 mai 2008, req. nº 305670, Assoc. SOS racisme).
b) Étranger confié à l’aide sociale : la réforme reconnaît un droit de séjour à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de 16 et 18 ans et a suivi une formation professionnelle (C. étrangers, art. L. 313-15). Ce droit reste subordonné à « la nature de ses liens » avec sa famille dans son pays et à son insertion dans la société française. Il s’accommode donc d’une appréciation qui en fragilise la portée. En 2005, selon une enquête de l’inspection générale des affaires sociales, 3 100 mineurs étrangers isolés ont été pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance.
c) Droit de séjour lié à des violences conjugales : le nouvel article L. 316-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile introduit par la réforme clarifie le droit de séjour imputable à des violences conjugales en autorisant le préfet à délivrer une carte de séjour « vie privée et familiale » si le conjoint bénéficie d’une ordonnance de protection (cf. C. civ., art. 515-9). Le titre de séjour de l’étranger concerné arrivé à expiration sera par ailleurs renouvelé de plein droit.
d) Séjour des étrangers malades : depuis 2010, le préfet devait s’assurer des possibilités de traitement approprié de l’affection dont souffre un étranger avant de refuser un titre de séjour ou de prononcer son éloignement forcé. Dans ce cas de figure, le revirement de jurisprudence permettait aux étrangers concernés d’établir que les soins n’étaient pas accessibles à la généralité de la population en raison notamment des coûts du traitement ou de l’absence de modes de prise en charge adaptés (CE, 7 avr. 2010, req. nº 301640, Min. Intérieur). Le gouvernement et l’Assemblée nationale ont souhaité tenir en échec le revirement de jurisprudence du 7 avril 2010. Il a ainsi été décidé que le droit de séjour était accordé, sans plus de précision, en raison « de l’absence » d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf si le préfet reconnaît une « circonstance humanitaire exceptionnelle » (C. étrangers, art. L. 313-11, 11º et Cons. const. déc. n° 2011-631 DC, 9 juin 2011, cons. 36).
e) Carte bleue européenne : la réforme transpose la directive « carte bleue » nº 2009/50 du 25 mai 2009 qui avait établi les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié (C. étrangers, art.L. 313-10, 6º). Aux termes de la loi, la délivrance de ce titre est subordonnée aux conditions de rémunération proposées (salaire annuel au moins égal à 1,5 fois le salaire minimum) et au niveau d'étude de l'étranger (formation d'au moins trois années après le bac ou expérience significative). D'une durée de validité de trois ans, ce titre se distingue de la carte « compétences et talents » qui est délivrée en fonction de la nature du projet d'activité (Cf. C. étrangers, art. L. 315-1). Tous les candidats à une activité professionnelle peuvent au contraire prétendre à une « carte bleue », à l'exception des saisonniers, des travailleurs temporaires, des personnes bénéficiant de la protection internationale et des étrangers pouvant se prévaloir d'un cadre spécifique (artiste, scientifique...).
3. Procédures de départ forcé
a) Rétention de passeports : la loi confie aux seuls policiers et gendarmes le pouvoir de retenir le passeport ou le document de voyage des étrangers en situation irrégulière. Ce pouvoir est exercé en vue de garantir que les intéressés seront en possession du document permettant d'assurer leur départ effectif. Il leur appartient de délivrer personnellement un récépissé. Les agents des services administratifs de la préfecture sont donc incompétents pour procéder à cette rétention (CAA Douai, 28 oct. 2010, req. nº 10DA00555, Bouchaala). La réforme devrait remettre en question cette approche restrictive, la loi visant désormais « l’autorité administrative compétente » c’est-à-dire le préfet qui pourra ainsi déléguer sa compétence (C. étrangers, art. L. 611-2).
b) Eloignement forcé des ressortissants de l’Union européenne : introduit par l’article 39 de la réforme, le nouvel article L. 511-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile confirme la possibilité d’éloigner le ressortissant d’un État de l’Union européenne, d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Suisse qui n’est pas titulaire d’un droit au séjour ou dont le séjour est constitutif d’un « abus de droit ». Sur ce dernier point, la loi estime que cet abus est constitué lorsque l’intéressé fait renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d’une durée supérieure ne sont pas remplies. Un abus de droit est également constitué si le ressortissant séjourne en France dans le « but essentiel » de bénéficier du système d’assistance sociale. En toute hypothèse, la personne dispose d’un délai d’au moins trente jours pour quitter la France.
c) Réforme l’obligation de quitter le territoire : quatre ans après avoir été mis en place, le dispositif d'obligation de quitter le territoire est réformé pour tirer les conséquences des difficultés de l’administration à exécuter ses décisions mais également pour transposer la directive « retour » nº 2008/115 du 16 décembre 2008 (C. étrangers, art. L. 511-1). De manière générale, la nouvelle rédaction de l’article L. 511-1, I du code des étrangers fusionne les motifs de reconduite à la frontière et d’obligation de quitter le territoire. Dans le même temps, la loi intègre pour l’essentiel la procédure et les motifs de reconduite à la frontière dans un dispositif refondu et élargi. Au final, le champ de la nouvelle obligation de quitter le territoire n’est modifié qu’à la marge. En premier lieu, trois cas de figure qui autorisaient une reconduite ne pourront pas faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire (V. anc. art. L. 511-1, II, 3, 5 et 8). Ces cas n’ont pas été rangés dans le champ de la directive « retour » et font l’objet d’un traitement spécifique de « reconduite à la frontière » (C. étrangers, art. L. 533-1).
Par ailleurs, si la loi confirme que le dispositif d'obligation de quitter le territoire s'applique à un ressortissant de l'Union européenne, elle définit un cadre spécifique (C. étrangers, art. L. 511-3-1). Par ailleurs, la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 met en avant le principe d’un départ volontaire des étrangers visés par une obligation de quitter le territoire pour se conformer à la directive « retour » de 2008 (C. étrangers, art. L. 511-1, II, al. 1). Comme cela était déjà le cas il est vrai, l'étranger peut par principe quitter spontanément la France dans un délai de trente jours. A titre « exceptionnel », un délai supplémentaire peut lui être octroyé. Le départ immédiat doit donc être l’exception, le refus d'accorder un délai de départ volontaire pouvant être contesté devant le juge administratif (C. étrangers, art. L. 511-1, II, al. 2). Les huit hypothèses de départ sans délai recoupent, dans leurs grandes lignes, celles qui prévalaient jusqu'alors pour les étrangers visés par une reconduite à la frontière (V. Cons. const. déc. n° 2011-631 DC, 9 juin 2011, cons. 45 à 56).
d) Interdiction administrative de retour : transposant l'article 11 de la directive « retour » de 2008, la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 créé une interdiction administrative de retour qui accompagne l’obligation de quitter le territoire et interdit un retour en France et sur le territoire d'un État de l'Union européenne (C. étrangers, art. L. 511-1, III). Cette nouvelle mesure de police administrative est prononcée pour deux ans au maximum si l’intéressé est resté au-delà du délai de départ volontaire ou est revenu illégalement sauf « raisons humanitaires ». L’interdiction est ici prononcée à l’occasion d’une interpellation ou d’une vérification en préfecture. Cette durée est portée à trois ans si l’obligation ne mentionne aucun délai de départ volontaire. En tout état de cause, la mesure doit être décidée en tenant « notamment » compte de l’ancienneté du séjour en France, des liens avec notre pays, des antécédents et de la menace pour l’ordre public que l’étranger peut représenter. Le préfet peut à tout moment abroger l’interdiction de retour si l’étranger réside hors de France. Cette abrogation est accordée de plein droit pour l’étranger faisant l’objet d’une OQTF avec délai de départ volontaire assortie d’une interdiction de retour et qui s’exécute dans les deux mois (V. Cons. const. déc. n° 2011-631 DC, 9 juin 2011, cons. 45 à 56).
e) Contentieux des obligations de quitter le territoire : la nouvelle rédaction de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile confirme dans ses grandes lignes le régime administratif et contentieux applicable aux obligations de quitter le territoire. Plus particulièrement, la loi transpose les modalités de contestation des arrêtés de reconduite à la frontière (cf. C. étrangers, anc. art. L. 512-2) aux « nouvelles » OQTF sans délai (C. étrangers, art. L. 512-1, II et III).
f) Reconduite à la frontière : la réforme n’a pas remis en cause le terme de « reconduite à la frontière » pour les mesures adoptées dans le cadre de l’article L. 533-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle maintient cette faculté d’un point de vue seulement formel pour deux motifs que ne visait pas la directive « retour » de 2008 (menace pour l’ordre public ; travail irrégulier). Pour cette raison fort discutable, ils ont été exclus du champ de la « nouvelle » obligation de quitter le territoire L’article 50 de la réforme de 2011 prévoit que les arrêtés de reconduite à la frontière pris en application de l’article L. 533-1 du code sont soumis aux règles applicables aux obligations de quitter le territoire (Cf. CJA, art. L. 776-1).
g) Expulsion des ressortissants de l’Union européenne : la réforme codifie la jurisprudence en introduisant un nouvel article L. 521-5 dans le code des étrangers qui prévoit que les mesures d'expulsion concernant des ressortissants d'un État de l'Union européenne, partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Suisse ou d'un membre de leur famille doivent être subordonnées à un comportement personnel représentant « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ». Précision assez inutile, sauf à considérer qu’elle ne constitue pas une pure évidence, cette expulsion ne doit pas porter une atteinte disproportionnée dans l’exercice de leur droit au respect de leur vie privée et familiale.
4. Contentieux de la rétention administrative
a) Recours contre les arrêtés de rétention et d’assignation à résidence : la directive « retour » de 2008 prévoit que, dans le cadre de l’exécution d’une mesure de départ forcé, des mesures moins coercitives doivent être préférées à un placement en rétention administrative (art. 15, § 1). Elle impose également aux Etats de garantir « un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention (...) le plus rapidement possible à compter du début de la rétention ». Il est donc impératif que l’étranger retenu puisse promptement contester la nécessité de l’arrêté de placement en rétention, à charge pour le préfet de motiver cette mesure. Dans cette logique, la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 présente la rétention administrative comme une mesure d’exception décidée par défaut et susceptible d’être contrôlée devant le juge administratif (C. étrangers, art. L. 512-1, III et L. 551-1). Sans doute, cette faculté existait déjà même si, compte tenu des délais impartis au juge administratif de la rétention, cette voie était rarement pratiquée au sens où le juge administratif statuait alors que les délais de placement initial en rétention étaient épuisés. C’est dans cette logique que le législateur a justifié l’allongement des délais de placement initial à 5 jours. Le législateur a également souhaité éviter que le maintien en rétention soit prolongé par le juge judiciaire alors que ce placement a été prononcé sur la base d’une mesure de départ forcé que le juge administratif annule par la suite (V. Cons. const. déc. n° 2011-631 DC, 9 juin 2011, cons. 62 à 72).
b) Durée de placement en rétention : la réforme porte la durée de placement en rétention administrative à 45 jours contre 32 jusqu'alors (C. étrangers, art. L. 552-1). L'article 15 de la directive « retour » de 2008 autorisait une durée de rétention de six mois renouvelable jusqu’à 18 mois s'il est probable que l'opération d'éloignement durera plus longtemps en raison du manque de coopération du ressortissant concerné ou des retards pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires. Jusqu'alors, les délais de la deuxième prolongation étaient différents selon que la non-exécution de la mesure de départ forcé était imputable à l'attitude de l'étranger (anc. art. L. 552-7) ou à des facteurs extérieurs (anc. art. L. 552-8). La réforme simplifie l'état du droit en prévoyant une prolongation pour une nouvelle période d'une durée maximale et uniforme de vingt jours (C. étrangers, art. L. 552-7). Cette nouvelle demande de maintien peut intervenir pour quatre motifs que le préfet doit établir : « urgence absolue » ; « menace d’une particulière gravité pour l’ordre public » ; impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement imputable à l’étranger (perte ou destruction des documents de voyage, dissimulation d’identité, obstruction volontaire) ; retard non imputable à l’administration (défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat et absence de moyens de transport susceptibles d’être surmontés « à bref délai », délivrance des documents de voyage trop tardive).
c) Notification des droits de l’étranger placé en rétention : la réforme prévoit que l’information des personnes placées en rétention administrative est assurée à l'arrivée dans le centre (C. étrangers, art. L. 551-2). Par ailleurs, la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 n'impose à l'administration, lorsqu'elle est confrontée au placement d'un nombre important d'étrangers, qu'une notification « dans les meilleurs délais possible » pour notamment permettre l'arrivée des interprètes dans la circonscription concernée (C. étrangers, art. L. 551-2). Enfin, la loi modifie les conditions d’information des droits de l’étranger placé en rétention pour permettre au juge des libertés et de la détention de tenir compte « des circonstances particulières » afin ne pas sanctionner un retard d’information qui serait notamment imputable à un placement en rétention simultané d’un nombre important d’étrangers (C. étrangers, art. L. 551-2).
d) Moyens de recours devant le juge des libertés et de la détention : la réforme introduit un dispositif de purge des nullités qui conduit le juge des libertés saisi d'une deuxième requête à se prononcer sur les seules irrégularités de procédure survenues après la première audience de prolongation (C. étrangers, art. L. 552-8). Par ailleurs,la loi limite les motifs de libération, comme en matière de contentieux de la zone d’attente les règles, aux atteintes substantielles aux « droits de l’étranger » (C. étrangers, art. L. 552-13). Dans le même temps, le législateur s’est abstenu de définir le champ des « droits de l’étranger ».
e) Assignation à résidence : la réforme confirme les trois motifs d’assignation à résidence (art. L. 561-2 : assignation administrative ; art. L. 552-4 : assignation judiciaire ; art. L. 561-1 : assignation d’un étranger ne pouvant pas quitter le territoire). Dans le même temps, elle apporte trois grandes modifications. En premier lieu, lorsqu’un étranger ne peut pas quitter le territoire, son assignation à résidence est désormais limitée à six mois renouvelable dans la limite d’un an, sauf s’il est visé par une interdiction judiciaire du territoire ou un arrêté d’expulsion (C. étrangers, art. L. 561-2). La mesure est ici prononcée s’il existe une « perspective raisonnable d’exécution » de la mesure de départ forcé. En second lieu, dans l’hypothèse où l’assignation à résidence constitue une mesure alternative à la rétention, le nouvel article L. 561-2 du code prévoit une assignation pour la durée totale de placement en rétention. La réforme ne se prononce pas sur le sort réservé à l'étranger qui, au terme de cette assignation, n'a toujours pas pu être éloigné. La réforme introduit enfin « à titre exceptionnel » une assignation sous bracelet électronique (C. étrangers, art. L. 552-4-1 et également art. L. 562-1). Cette mesure concerne les parents d’un enfant pour éviter le placement d’une famille en rétention administrative.
5. Asile politique
a) Procédure d’asile à Saint-Barthélemy et Saint-Martin : l'application d'un droit des étrangers spécifique a, par principe, été écartée pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy. La loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 en prend acte en ajoutant ces deux territoires à l'article L. 111-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui définit le champ géographique du code. La réforme laisse toutefois subsister quelques particularités. Il en est ainsi de l'hypothèse où un candidat à l'asile n'est pas admis au séjour au motif qu'un État de l'Union européenne est compétent pour examiner sa demande de protection. Comme cela est déjà le cas pour les départements d'outre-mer, ce refus d'admission est écarté à Saint-Martin et Saint-Barthélemy (C. étrangers, art. L. 741-5).
b) Refus de séjour : la nouvelle rédaction de l’article L. 741-4, 4º du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise la notion de « fraude délibérée » qui autorise le préfet à refuser l’admission au séjour d’un candidat à l’asile. En écho à l'article 23 de la directive nº 2005/85 du 1er décembre 2005, cette présomption de fraude est avérée si l’étranger fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités. » Jusqu’alors, la loi ne visait que des hypothèses présumées de recours abusif aux procédures d’asile.
c) Départ des candidats déboutés de leur demande : la réforme institue une présomption de risque de fuite à l’égard des étrangers entrés irrégulièrement en France et autorise le préfet, dans ce cas, à prononcer une obligation de quitter le territoire (C. étrangers, nouvel art. L. 511-1, II, 3º, a). Le Gouvernement a exclu cette hypothèse pour les candidats déboutés de leur demande de protection. Les intéressés bénéficient donc d’un délai de départ volontaire d’au moins trente jours à compter de la notification du rejet de leur demande d’asile par le directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d’asile (C. étrangers, art. L. 742-3).
d) Aide juridictionnelle : suite à la généralisation de l’aide juridictionnelle par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 qui avait supprimé l’exigence d’entrée régulière sur le territoire, les demandes avaient été multipliées par cinq entre 2008 (1 202 pour un coût de 219 629 euros) et 2009 (6 185 admissions pour un coût de 1 130 123 euros). Faisant écho à cette évolution, la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité encadre le bénéfice de l’aide en imposant d’en solliciter le bénéfice au plus tard dans le mois suivant l’accusé de réception du recours. Elle supprime par ailleurs l’aide pour les recours portant sur une demande de réexamen (V. Cons. const. déc. n° 2011-631 DC, 9 juin 2011, cons. 88). e) Audience télévisée : justifiée par l’éloignement géographique de la Cour de certains requérants qui résident en province, la réforme prévoit de retransmetttre les débats de la Cour dans une salle spécialement aménagée, ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la Justice. Les débats devront faire l’objet d’un procès-verbal dans les deux salles d’audience ou à un enregistrement audiovisuel ou sonore. Cette faculté a été validée par le Conseil constitutionnel qui a noté qu’un tel procédé contribuait à la bonne administration de la justice et, de manière surabondante, « au bon usage des deniers publics » (Cons. const. déc. n° 2011-631 DC, 9 juin 2011, Loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, cons. 93). Par ailleurs, la Cour nationale du droit d'asile ayant son siège sur le territoire métropolitain, la différence instaurée entre les personnes se trouvant sur le territoire métropolitain et les autres ne méconnaît pas le principe d'égalité.