Code Litec 2012, p. 418 et 992
La Cour européenne des droits de l’homme estime que le placement en rétention pendant quinze jours de parents accompagnés d’enfants âgés de cinq mois et trois ans est constitutif d’une violation de l’article 3 de la Convention. Sans doute, le centre était habilité à recevoir des familles. Pourtant, la durée de rétention peut être ressentie comme infiniment longue pour des enfants compte tenu de l’inadéquation des infrastructures à leur accueil et à leur âge (§ 100). Dans le cas présent, la Cour a pris en compte la « situation de particulière vulnérabilité, accentuée par la situation d’enfermement » (§ 102), estimant que le traitement réservé aux enfants dépassait le seuil de gravité exigé par l’article 3 de la Convention (CEDH, 19 janv. 2012, Popov c/ France, req. nos 39472/07 et 39474/07).
Ce placement méconnait également l’article 5 § 1 f qui limite la privation de liberté au cas d’arrestation ou de détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire ou contre laquelle une procédure de départ forcé est en cours. Si dans le cas présent les enfants étaient accompagnés de leurs parents au cours de la procédure, la situation particulière des enfants ne fut jamais examinée individuellement. Les autorités n’ont pas également recherché si une mesure alternative ne pouvait pas être préférée au placement en rétention. Pour ces raisons, la Cour a estimé que le système français n’avait pas garanti de manière suffisante le droit à la liberté des enfants (§ 119). La Cour a plus généralement conclu à la violation de l’article 5 § 4 au motif que la loi française ne prévoit pas que les mineurs puissent faire l’objet d’une mesure de placement en rétention (§ 124). Les enfants accompagnant leurs parents tombent ainsi dans un vide juridique qui ne leur permet pas d’exercer un recours spécifique, alors même qu’ils ne sont pas visés par une mesure de départ forcé ou un placement en rétention.
Enfin, le placement en rétention d’une famille en instance de départ forcé peut, en lui même, être constitutif d’une atteinte disproportionnée au droit à une vie privée et familiale dès lors qu’il n’est pas nécessaire par rapport au but poursuivi. Sans doute, le fait pour les parents et les enfants de ne pas être séparés au cours de la procédure de mise à exécution de la mesure de départ forcé est un élément fondamental garantissant l’effectivité de la vie familiale. Toutefois, le maintien de la cellule familiale ne garantit pas nécessairement le respect du droit à une vie familiale, particulièrement si la famille est détenue. Or, le fait d’enfermer des parents et leurs enfants dans un centre de rétention pendant quinze jours peut s’analyser comme une ingérence dans l’exercice effectif de leur vie familiale. Pareille ingérence enfreint l’article 8 de la Convention si, alors même que la mesure est prévue par la loi et poursuit un but légitime, les autorités n’ont pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts de l’individu et de la société, notamment les impératifs d’une politique d’immigration. Pour cette raison, une mesure d’enfermement doit être proportionnée au but poursuivi par l’État, l’éloignement d’un étranger en situation irrégulière. Tel n’est pas le cas d’un placement en rétention pendant quinze jours d’une famille qui ne présentait pas de risque particulier de fuite, ce d’autant que l’assignation dans un hôtel qui avait d’abord été décidée n’avait pas posé de problème (§ 138).