Code Lexis-Nexis 2014, C. étrangers, art. L. 741-4, 4°
En l’absence d’une appréciation au cas par cas, la présentation d’une demande d'asile par un étranger placé en rétention administrative ne permet pas à elle seule de présumer que cette demande n'a été introduite qu'en vue de faire échec à son éloignement. Un tel classement entraîne en effet l’application d’une procédure prioritaire conduisant, en pratique, à une analyse sommaire de la demande. Plus généralement, le préfet doit procéder à un examen au cas par cas du caractère objectivement nécessaire et proportionné d'un placement en rétention au regard, notamment, du risque que l'intéressé se soustraie définitivement à son retour. Dans sa note du 5 décembre 2013, le ministre de l'Intérieur avait prévu que les étrangers concernés étaient maintenus en rétention et automatiquement placés en procédure prioritaire sans que le préfet ait préalablement pu porter une quelconque appréciation sur leur situation individuelle. Après un premier examen par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides de ces demandes dans un délai de 96 heures, la note prévoyait que le préfet était invité à mettre fin à la rétention uniquement dans l'hypothèse où l'Office signale qu'une demande nécessite un examen plus approfondi. Dans ce cas, le candidat à l’asile pouvait présenter une demande d'admission provisoire au séjour et bénéficier d'une appréciation approfondie pour déterminer la procédure selon laquelle cette dernière devait être examinée. Conçu dans l’attente d’une réforme finalement présentée en conseil des ministres le 22 juillet 2014, ce dispositif était censé répondre aux griefs de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 30 mai 2013, aff. C-534/11, Mehmet Arslan). Saisi de la légalité de la note, le Conseil d’État prend acte qu’il appartenait au ministre de prescrire à ses services de prendre des mesures conformes au droit de l'Union européenne. Il reste que le dispositif transitoire confie à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides l'examen individuel de la situation des personnes ayant formé une demande d'asile en rétention. Or l’Office constitue un établissement public qui n'est pas placé sous l'autorité du ministre de l'intérieur. Par ailleurs, parce que l’Office n’est pas chargé de déterminer la procédure selon laquelle les demandes d'asile doivent être instruites, le ministre ne pouvait pas édicter un tel dispositif. Le Conseil note au passage que le dispositif transitoire n'est pas conforme aux exigences du droit de l'Union européenne. En effet, la Cour de justice a subordonné le traitement d’une demande d'asile d’un étranger placé en rétention à un examen au cas par cas pour s’assurer que cette demande a été introduite dans le seul but de retarder ou de compromettre l'exécution de la décision de retour. L’annulation de ce point de la note impose aux services placés sous l'autorité du ministre de l'Intérieur, dans l'attente d’une prochaine réforme, de satisfaire à ces exigences (CE, 30 juill. 2014, n° 375430, CIMADE).
Le Conseil a par ailleurs interprété la portée de l'article L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Selon cet article, le directeur général de l'Office peut refuser d'enregistrer une demande de protection déposée par un étranger qui présente ou complète sa demande d'asile après l'expiration du délai de cinq jours qui lui est imparti à compter de la notification de ses droits. Il peut alors la rejeter pour irrecevabilité après un délai de 96 heures par une décision qui ne peut faire l'objet, compte tenu de son classement en procédure prioritaire, que d'un recours non suspensif. Pour le Conseil d’État, ces dispositions ne doivent pas s'appliquer indistinctement aux personnes placées en rétention sauf à méconnaître, eu égard à l'extrême brièveté des délais en cause, le droit au recours effectif. Cette interprétation se déduit à la fois de la gravité des effets qui s'attachent au refus d'enregistrement de la demande d'asile et des exigences découlant des articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 8 de la directive du 1er décembre 2005. Pour ces raisons, le délai prévu à l'article L. 551-3 du code ne doit pas s’imposer dans certains cas particuliers. Le Conseil cite l’hypothèse d'une personne qui invoque des faits survenus après l'expiration du délai de 96 heures ou qui n’a pas pu présenter une demande d'asile faute d'avoir bénéficié d'une assistance juridique et linguistique effective. Pour le reste, le caractère non suspensif des recours dirigés contre les décisions de rejet prononcées par l'OFPRA statuant en procédure prioritaire n’a pas été contesté dès lors qu'un tel recours suspensif est ouvert contre la mesure d'éloignement.