Code Lexis-Nexis édition 2018, C. étrangers, Livre 7
Saisi d’un recours dirigé contre une décision de la Cour nationale du droit d'asile qui écarte un risque de peine et traitement inhumain ou dégradant pourtant constaté par la Cour européenne des droits de l'homme en 2013, le Conseil d'État rappelle que, selon l'article 46 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la complète exécution d'un arrêt des juges de Strasbourg implique par principe que l’État prenne toutes les mesures pour réparer les conséquences d’une violation de la convention et la disparition de la source de cette violation. Pour satisfaire à cette exigence, compte-tenu de « la nature essentiellement déclaratoire des arrêts de la Cour », les États disposent d’une latitude d’action pour déterminer les moyens de s'acquitter de l’obligation de conformité. Cette obligation implique non seulement de verser à la victime les sommes allouées la Cour au titre de la satisfaction équitable prévue par l'article 41 de la convention mais aussi d’adopter les mesures individuelles et le cas échéant générales nécessaires pour mettre un terme à la violation constatée.
Dans le cas présent, la Cour européenne des droits de l'homme avait jugé que la mise à exécution d’une obligation de quitter le territoire vers la République démocratique du Congo constituerait une violation de l'article 3 de la convention. Cet élément constituait une circonstance nouvelle qui justifiait le réexamen de la situation de l’intéressé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Concrètement, la complète exécution de l'arrêt de la Cour impliquait que l’administration s'abstienne de mettre à exécution de l’obligation de quitter le territoire (ce qu’elle a semble t-il fait) mais aussi, « à tout le moins », que la protection subsidiaire soit accordée en application de l'article L. 712-1 du Code des étrangers, sauf à établir un changement de circonstances et que l’intéressé satisfasse aux exigences de cet article. En refusant d'octroyer cette protection subsidiaire et en ignorant l’arrêt définitif de la Cour européenne des droits de l'homme, la Cour nationale du droit d'asile a porté atteinte aux exigences de l'article 46 de la convention (CE, 3 oct. 2018, n° 406222).
Près de dix ans après avoir engagé les premières démarches (la demande initiale devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides a été déposée le 9 décembre 2008 !), le requérant est une nouvelle fois renvoyé devant la Cour nationale du droit d'asile qui pourrait fort bien estimer que des circonstances nouvelles » s’opposent à la reconnaissance de la protection subsidiaire…