Le Code des étrangers laisse en suspens la question des personnes qui sollicitent le statut de réfugié à partir d'un pays tiers. Le tribunal administratif de Nantes avait apporté en 2014 une solution inédite à cette lacune. Le juge des référés liberté avait enjoint au ministre de l'Intérieur de délivrer dans les cinq jours un visa à un ressortissant syrien et à ses trois enfants mineurs après avoir constaté que les intéressés, chrétiens d'origine arménienne et vivant à Alep, « ville particulièrement affectée par la grave situation conflictuelle prévalant en Syrie », faisaient « précisément état des risques auxquels ils sont personnellement exposés » (TA Nantes, 16 sept. 2014, no 1407765). Il avait ainsi estimé qu'en faisant obstacle à la délivrance du visa, l'autorité consulaire portait atteinte à la présentation d'une demande d'asile.
Démentant cette interprétation, le Conseil d'État a jugé que si le droit constitutionnel d'asile a pour corollaire le droit de solliciter en France la qualité de réfugié, les garanties attachées à ce droit fondamental « reconnu aux étrangers se trouvant sur le territoire de la République » n'emportent aucun droit à la délivrance d'un visa en vue de déposer une demande d'asile en France. Il est certes concédé que l'administration peut accorder une mesure de faveur. C'est à ce titre que les autorités françaises peuvent délivrer un visa afin d'admettre un étranger en France au titre de l'asile. Dans le cas présent, l'administration avait transmis des orientations générales aux services consulaires pour instruire les demandes des ressortissants syriens au titre de l'asile. Un visa pouvait ainsi leur être délivré au vu de critères relatifs à l'éligibilité au bénéfice du statut de réfugié, des difficultés rencontrées dans le pays tiers qui les a accueillis et de leur situation personnelle. De telles orientations ne portent pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit constitutionnel d'asile et n'ont pas conduit à refuser des visas sollicités par des personnes résidant au Liban où ils bénéficient de la protection du Haut-Commissariat aux Réfugiés (CE, réf., 9 juill. 2015, no 391392, min. Int.).
Cette position a été confortée le 7 mars 2017 par la Cour de justice de l'Union européenne. Des ressortissants syriens avaient présenté auprès de l’ambassade de Belgique au Liban des demandes de visas pour raisons humanitaires en se fondant sur l’article 25, a), § 1 du règlement n° 810/2009 du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas. Ils souhaitaient à cet effet, dans l’intention de demander l’asile en Belgique à leur arrivée, obtenir un permis de séjour d’une durée supérieure à 90 jours. Saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice a rejeté toute obligation des États membres sur ce fondement au motif que la situation n’était pas régie par le droit de l’Union, de sorte que les dispositions de la Charte des droits fondamentaux ne trouvent pas ici s’appliquer. Pour la Cour, une conclusion contraire reviendrait, alors que le code des visas a été conçu aux fins de la délivrance de visas pour des séjours n’excédant pas 90 jours sur une période de 180 jours, à permettre à des ressortissants de pays tiers d’introduire des demandes de visa ayant pour but d’obtenir le bénéfice d’une protection dans l’État membre de leur choix. Selon cette interprétation, il en résulterait une atteinte à l’économie générale du système institué par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande de protection et permettrait à des ressortissants de pays tiers d’introduire une telle demande auprès des représentations des États membres situées sur le territoire d’un pays tiers. Pour ces raisons, la Cour en a conclu qu’une telle demande de visa, parce qu’elle implique de séjourner dans un État plus de 90 jours, relève du seul droit national (CJUE, gde ch., 7 mars 2017, aff. C-638/16, PPU, X c/ Belgique).