Source: bilan du 1er semestre 2006 de la commission des recours (http://www.commission-refugies.fr/presentation_4/rapports_activite_139/statistiques_140/activite_commission_2093.html
1) Recours enregistrés
Le nombre de recours enregistrés au premier semestre 2006 s’élève à 16730 à contre 20 324 en 2005. Ce chiffre marque une diminution de 17,68% par rapport au premier semestre 2005 qui lui-même marquait un infléchissement de 26,17% par rapport à la même période de 2004. La baisse des recours sur le moyen terme apparaît donc comme une certitude. Cependant, l’importance de cette baisse au premier semestre doit être observée avec prudence. En effet, elle semble être le prolongement d’une inflexion déjà observée à la fin de l’année 2005 et pouvant se stabiliser. En outre, l’observation mensuelle des entrées de recours à la Commission fait ressortir le caractère erratique de cette baisse. De fait, en l’absence de modèle ou d’une tendance linéaire, l’établissement de prévisions, quant aux recours enregistrés, est une activité hasardeuse.
De plus, au sein des recours enregistrés, une distinction doit être opérée entre les recours à la suite des primo demandes et ceux suivant une demande de réouvertures qui n’obéissent pas à la même logique. En effet, la baisse des recours est celles des primo demandes. Elle est compensée par une augmentation particulièrement importante du nombre des recours dans le cadre des réouvertures. En 2005, ces derniers au nombre de 7 861 sur l’année représentaient 19,48% de l’ensemble des recours. Sur le seul premier semestre 2006, leur nombre atteint 6845 et ils représentent 40,91% de l’ensemble des recours. Les causes de ce phénomène n’apparaissent pas comme étant aisément indentifiables, ce qui renforce la difficulté d’établir des prévisions quant au nombre de recours.
A ce titre, il convient d’observer la légère augmentation du taux, déjà très important, de recours à la suite des décisions de rejet de l’OFPRA ; il est passé de 85,66 % pour l’année 2005 à 86,47% pour le premier semestre 2006.
Dès lors, une tendance générale à la baisse du nombre de recours ou au contraire à un maintien des entrées ne peut être sérieusement dégagée.
Les recours demeurent concentrés sur un nombre restreint de pays puisque les sept plus représentés constituent près de 54 % des entrées cumulées et les dix premiers plus de 64 %. La tendance du premier semestre 2006 est similaire à celle du premier trimestre 2006. En revanche, depuis 2005, quatre pays on vu leur importance changer. Les parts de ressortissants ou résidents de la République populaire de Chine et de la Bosnie ont beaucoup diminué alors que celles de ressortissants ou résidents de la République d’Haïti et de la République Serbie et Monténégro ont crû au point de doubler. Ces changements semblent avoir essentiellement deux types d’origine. Ainsi, pour les ressortissants ou résidents haïtiens, bosniens et Serbes (souvent d’origine albanaise ou Rom), l’évolution des recours semble correspondre à l’évolution de situations dans les pays d’origine. En revanche, la baisse des recours de ressortissants ou résidents chinois apparaît liée aux données internes à la Commission, le taux d’annulation et la diminution du délai de traitement par l’utilisation des ordonnances nouvelles. De fait, le taux d’annulation à la suite des recours de ressortissants ou résidents chinois est l’un des plus faible de la Commission avec 0,70% et 68,95% de la demande chinoise est traité par ordonnances nouvelles.
La seule présence de deux pays de la liste des pays d’origine sûrs (Bosnie et Géorgie) dans les pays les plus représentés devant la Commission ne permet pas de déterminer l’éventualité d’une influence de cette liste sur les recours. Les parts de ressortissants ou résidents de ces pays ont certes baissé mais sans qu’un lien puisse être établi.
Enfin, il peut être relevé que la Commission a enregistré les recours d’un ressortissant belge, d’un ressortissant polonais, d’un ressortissant canadien et de deux ressortissants américains.
2) Décisions rendues
Au cours du premier semestre, la Commission a rendu, lors de 1086 séances dont six plénières, 15 835 décisions, dont 2 305 décisions de reconnaissance du statut de réfugié. 185 décisions ont été rendues au titre de la protection subsidiaire.
Le nombre de décisions rendues, fortement inférieur au nombre de la même période en 2004 et 2005, s’explique par l’érosion constante de la capacité de jugement de la Commission - somme des décisions collégiales, d’ordonnances classiques et d’ordonnances nouvelles.
La majorité des décisions est collégiale, prises par les sections en formations de jugement. Elles résultent de la capacité d’enrôlement de la CRR, estimée à partir du nombre de rapporteurs affectés en division, pondérée par le taux de renvoi. Le nombre de ces rapporteurs n’a cessé de décroître alors que le taux de renvoi lui a crû et est de 25% depuis plusieurs mois.
Le tableau ci-dessous permet de mieux comprendre l’impact sur l’activité de la Commission de la baisse du nombre de dossiers par séance, de l’augmentation du taux de renvoi et surtout de l’érosion du nombre d’agents de la Commission qui en l’état est amené à se poursuivre.
Capacité théorique comparée de la Commission pour les mois de février 2004, 2005 et 2006
Nombre de rapporteurs en section (ETPT)
68,6
152,8
85,8
Capacité d'enrôlement annuelle par rapporteur en section*
450
450
540
540
Nombre de dossiers par audience
15
15
18
18
Capacité de jugement annuelle par rapporteur (enrôlement - renvois)
337,5
346,5
415,8
459
taux de renvoi annuel
25%
23%
15%
Capacité de jugement annuelle des sections (nb. rapp. x capacité jug. par rapp.)
23153
52945
63534
39382
Part des ordonnances dans les décisions de la Commission
22,25%
17,08%
12,00%
Capacité de jugement annuelle de la Commission (avec ordonnances)
28304
61988
76516
44107
* Les rapporteurs ont un objectif de 30 séances annuelles. Depuis juin 2005, afin de faire face à l’allongement de la durée des audiences, les séances contiennent 15 dossiers, soit 450 décisions par rapporteur, contre 18 précédemment, soit 540 décisions par rapporteur.
Répartition des décisions rendues au 1er semestre 2006
De manière générale, l’observation de l’activité juridictionnelle de la Commission fait apparaître une stabilité des pourcentages par rapports aux périodes précédentes. En revanche, du fait du changement d’échelle de la Commission à la suite de la restitution des 125 agents supplémentaires qui avaient été consentis en 2005, les nombres, y compris les annulations des décisions de l’OFPRA (2 490), sont en baisse. Il convient de souligner l’installation et le développement progressif des décisions accordant la protection subsidiaire dont le nombre est passé de 143 au premier semestre 2005 à 185 pour celui de 2006, soit de 0,37% à 1,17% de l’ensemble des décisions rendues.
Les affaires jugées par ordonnance du Président (irrecevabilités manifestes, non-lieux, désistements) sont au nombre de 1 424 soit 8,99 % de l’ensemble des affaires réglées contre 9,86% en 2005, pourcentage en légère diminution. A ce chiffre il convient d’ajouter 2 100 ordonnances nouvelles - procédure qui se traduit par une séance entre un Président et un rapporteur- soit 13,26 %. Ce qui porte le nombre total des ordonnances à 3 524 soit 22,25% de la totalité des décisions rendues sur ce semestre contre 17,08% en 2005. Le pourcentage d’ordonnances est ainsi en augmentation du fait des ordonnances nouvelles. Il doit être relevé que cette augmentation est purement mathématique et mécanique. Les ordonnances sont une procédure qui dépend du nombre des recours entrant et non de l’activité collégiale de la Commission. L’augmentation du pourcentage n’est donc pas significative. Il est remarquable que les ressortissants ou résidents chinois, du fait d’une demande stéréotypée, et haïtiens, en raison d’une demande souvent peu personnalisée, représentent plus de 50 % des dossiers des ordonnances nouvelles.
Un autre phénomène remarquable est, d’une part, l’augmentation du taux de présence des avocats et, d’autre part, leur lien avec les recours aboutissant à une annulation.
Le recours à un avocat est de plus en plus fréquent devant la Commission. En 2005, des conseils étaient déjà présents dans 46,94% des affaires enrôlées. Au premier semestre 2006, ce pourcentage est de 52,90. Cette tendance apparaît beaucoup plus certaine que celle de la baisse des recours.
Il est notable que des avocats aient plaidé dans 87,83% des affaires ayant abouti à une annulation. Cependant, une éventuelle corrélation ne peut être recherchée qu’avec circonspection. En effet, en regard du nombre d’affaires où un avocat était constitué et ayant abouti à une annulation ou un rejet au fond, l’annulation n’a été décidée que dans 29,31%.
De façon assez logique, la répartition des décisions fait écho à celle des recours et reproduit des tendances comparables. Les taux d’annulations par pays sont en revanche remarquables pour leur absence d’homogénéité. Ainsi, pour les taux d’annulations inférieurs à 10 %, il n’est pas possible de dégager de règles en regard des données internes à la Commission, notamment les ordonnances nouvelles. Les annulations comme les rejets résultent des données de chaque pays et de chaque dossier.
Pas plus que pour les entrées, la liste des pays d’origine sûrs ne semble avoir d’influence sur le sens des décisions de la Commission. Si comme pour les recours, il n’y a que deux pays concernés, l’observation de leur taux d’annulation permet deux commentaires. D’une part, les taux d’annulation du premier semestre 2006 sont supérieurs à ceux de la même période en 2005. D’autre part, ils restent supérieurs au taux moyen d’annulation.
3) Stock de recours
Au premier semestre, le nombre d’entrées est supérieur à celui des sorties. Néanmoins, l’évolution mensuelle tend vers l’équilibre. Le solde doit, à l’image de l’évolution du nombre de recours enregistrés, être observé avec prudence.
La Commission devrait connaître un déséquilibre de sa balance des entrées et sorties sur l’année 2006. Cette perspective ne permet pas d’envisager une réduction du stock existant en l’état. En outre, il convient de noter que les dossiers à la Commission sont traditionnellement envisagés selon deux axes : ceux en cours de traitement et ceux en attente de traitement. Les recours sont donc divisés entre ceux en traitement, qui sont désignés dans l’outil de gestion informatique des dossiers sous le vocable de " enrôlés sans décision ni décision anticipée " et ceux qui constituent un stock en attente de traitement désignés informatiquement par leur état " non enrôlés " ou leur localisation géographique " aide juridictionnelle " et " ordonnances ".
A la date du 4 juillet 2006, le stock de dossiers en attente de traitement est de 20 674, contre 21 301 au 31 décembre 2005, et le nombre de dossiers en traitement est de 8 233. L’amélioration constatée du stock résulte d’un effort important de rendement du bureau de l’aide juridictionnelle au deuxième trimestre 2006. A la suite de l’augmentation du nombre de décisions rendues, de nombreux dossiers, qui avaient été enrôlés puis renvoyés dans l’attente de la décision d’aide juridictionnelle et qui y étaient localisés, ont rejoint les dossiers " enrôlés sans décision ni décision anticipée ". De ce fait, les sections qui vont traiter en priorité ces dossiers n’en prélèveront pas sur le stock de 20 674.
Toutefois, dans l’hypothèse d’une décroissance soutenue sur le long terme des recours entrant à la Commission, la capacité de jugement actuelle de la juridiction devrait permettre de tendre vers l’équilibre.
4) Aide juridictionnelle
Au cours du premier semestre 2006, le bureau d’aide juridictionnelle a enregistré 2977 demandes contre 1984 demandes sur la même période en 2005, soit une augmentation de 50,05% et une moyenne mensuelle de 496 demandes. 4600 décisions définitives ont été rendues contre 3665 au 1er semestre 2005, augmentant de 25,51% les résultats. Les 1537 admissions représentent 51,62% des décisions, leur taux augmentant ainsi de 35,85% par rapport à la période correspondante de l’an passé.
L’écart important constaté entre le nombre de demandes d’aide juridictionnelle et le nombre total de décisions prises au cours du premier semestre 2006 s’explique par l’effort de rattrapage du retard de traitement des demandes effectuées par le service depuis mars 2006. Cet effort a particulièrement porté sur les demandes qui devaient aboutir à une admission et dont le traitement est plus complexe.