La cour administrative d'appel de Paris avait consacré un droit de séjour en faveur de l'étranger qui, soigné en France pour une pathologie grave, ne peut pas bénéficier de soins dans son pays en raison de leur coût excessif (CAA Paris, ass. plén., 15 déc. 2006, req. no 06PA00482, Préfet de police c/ Okba Ben Belcacem X). Ce raisonnement avait été infirmé en 2008 par le Conseil d'État (CE, 13 févr. 2008, req. no 297518, min. Int. : « la circonstance que M. A serait originaire d'une région éloignée des structures médicales appropriées et qu'il aurait des difficultés financières à assumer la charge du traitement de sa maladie en Tunisie est sans incidence sur l'existence de soins appropriés à sa pathologie dans son pays d'origine »). Cette position assez ferme n’avait pas empêché les juges d'appel de confirmer leur position quelques semaines plus tard (CAA Paris, 3 avr. 2008, req. no 07PA04394, Mme Khadidia, pour la Côte d'Ivoire).
Deux arrêts du Conseil d’État lui ont finalement donné raison le 7 avril 2010. Applicable aux étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement ou demandant un titre de séjour, ce revirement impose au préfet de ne pas se borner à vérifier qu’un éloignement forcé ou un refus de séjour induit des conséquences d’une exceptionnelle gravité sur l’état de santé de l’intéressé. Ces conséquences se déduisent de la nature et de la gravité des risques qu’entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de retour. Le préfet doit également s’assurer qu’il existe des possibilités de traitement approprié de l’affection en cause. Dans ce cas de figure, le revirement de jurisprudence permet aux étrangers concernés d’établir que les soins ne sont pas accessibles à la généralité de la population en raison notamment des coûts du traitement ou de l’absence de modes de prise en charge adaptés (CE, 7 avr. 2010, req. n° 301640, Min. Int : dispositif assurant en Tunisie la prise en charge des soins dispensés aux personnes dépourvues de ressources ou dont les ressources sont inférieures à certains seuils. - CE, 7 avr. 2010, req. n° 316625, Min. immigration : absence de prise en charge effective compte tenu du coût global du traitement et de la faiblesse des ressources du requérant en Côte d’Ivoire). Ils peuvent également rapporter que « des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle » font obstacle à un accès effectif. Ce nouveau cadre juridique est déduit d’une interprétation des travaux préparatoires de la réforme du 11 mai 1998 et non, comme les juges d’appel l’avaient estimé, d’une obligation inhérente aux articles 2 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il contraint les préfectures à une appréciation du système de soins de pays de retour de l’étranger malade.